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La loi Schiappa a-t-elle légalisé la pédophilie et l’introduction de l’éducation sexuelle à 4 ans? Info ou intox?

Depuis la promulgation le 3 août de la loi dite « Schiappa », contre les violences sexuelles et sexistes, du nom de la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, les réseaux sociaux, certaines associations de protection de l’enfance ainsi qu’une partie de l’opposition politique crient au scandale. Effectivement, une campagne de désinformation est lancée affirmant que « Schiappa valide la pédophilie ». La cause de cette polémique prend naissance dans la mauvaise interprétation de l’article 2 de cette loi concernant le consentement des mineurs de moins de 15 ans.

Pédophilie : que dit le Code pénal avant la loi Schiappa ?

En France, il n’y a pas de loi spécifique à la pédophilie, juridiquement parlant les faits seront qualifiés selon les circonstances de viol ou d’atteinte sexuelle sur mineur. La notion de majorité sexuelle n’existe pas non plus, mais L’article 227-25 du Code Pénal fixe celle ci implicitement à 15 ans .

Notion de consentement dans le code pénal.

L’article 227-25 du Code Pénal énonce :

Le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace, ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de 15 ans est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende..

Donc l’atteinte sexuelle sur un mineur est un délit.

Selon L’article 222-24 du Code Pénal  un viol sur mineur est considéré comme un crime, donc jugé devant la cour d’assises, avec une peine encourue de 20 ans de réclusion criminelle, néanmoins pour qu’il soit reconnu il incombe au plaignant d’apporter la preuve qu’il y a eu contrainte, violence, menace ou surprise même si c’est un enfant de moins de 15 ans.

D’après ces 2 textes, il apparaît avec évidence que ce n’est pas la loi Schiappa qui a introduit la nécessité de prouver que le mineur n’était pas consentant à l’acte sexuel.

Loi Schiappa : quelles modifications apportent elle à la législation existante?

L’origine de cette loi prend sa source dans les 2 décisions de justice qui ont ébranlé l’opinion publique ;

1- La cour d’assises de Seine-et-Marne prononce l’acquittement d’un homme poursuivi pour viol sur une fillette de 11 ans, le 7 novembre 2017.

2- le parquet de Pontoise (Val-d’Oise) requalifie une plainte de viol sur une fillette de 11 ans en « atteinte sexuelle », en avril 2017.

Les associations pour la protection de l’enfance s’offusquent et interpellent le législateur afin de fixer l’âge de la majorité sexuelle et introduire la notion de présomption de non-consentement automatique en deçà de ce seuil.

Évolution du projet de loi Schiappa.

Marlène Schiappa propose « d’inscrire clairement dans la loi qu’en deçà d’un certain âge, qui reste à définir, il n’y a pas de débat sur le fait de savoir si l’enfant est consentant ou non. »

Cette proposition sera rejetée par le Conseil d’Etat  au motif qu’elle est contraire à la Constitution, et surtout qu’elle risque d’apporter des condamnations démesurées dans certains cas et il donne l’exemple de 2 mineurs de 14 et 17 ans ayant une relation consentie, lorsque le plus âgé atteint la majorité de 18 ans alors leurs relations deviendront automatiquement un viol sur mineur.

Au final, la loi promulguée le 3 août ne contient plus de présomption de non-consentement et utilise une formulation plus vague : « lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de 15 ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes. »

Durcissement du délit d’atteinte sexuelle.

La loi Schiappa introduit un nouveau terme juridique durcissant la peine du délit d’atteinte sexuelle de l’article 227-5, effectivement la notion de « PÉNÉTRATION »porte la peine encourue à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

Allongement du délai de prescription des crimes sexuelles commis sur les enfants.

Le délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs est passé de 20 ans à 30 ans donc un rallongement de 10 ans à partir de la majorité, ce qui revient à dire que les victimes mineures pourront porter plainte jusqu’à l’âge de 48 ans.

La loi Schiappa prévoit-elle des cours d’éducation sexuelle à partir de 4 ans?

Cette loi ne contient pas de mesures concernant des classes d’éducation sexuelle, l’article 10 rend seulement obligatoire la « sensibilisation des personnels enseignants aux violences sexistes et sexuelles et à la formation au respect du non-consentement. »

En revanche, Marlène Schiappa avait annoncé sur RMC qu’une nouvelle circulaire allait être envoyée à la rentrée à tous les recteurs de France pour qu’ « ils mettent en œuvre une loi qui existe déjà mais qui n’est pas mise en œuvre, qui demande qu’il y ait 3 séances d’éducation à la vie affective et sexuelle faites par an, par des associations agrémentées ».

Article L312-16 du Code de l’Education.

Depuis 2001, l’Article L312-16 du Code de l’Education dispose qu’ « une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles ,les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupe d’âge homogène ».

Cependant ce n’est qu’en 2003 qu’une  Circulaire a précisé les objectifs et les modalités d’applications.

Contrairement aux fakes-news circulant sur tous les réseaux sociaux, le but de cette éducation sexuelle est d’enseigner aux enfants en bas âge le respect du corps humain, l’inaliénabilité de leur corps, savoir protéger leur corps contre des attouchements et non comment apprendre à faire l’amour.

Comment un enfant de 4 ans peut-il savoir qu’un adulte ne peut profaner son corps, si les interdits ne lui sont pas inculqués ? Comment va-t-il apprendre que son corps est inviolable et sacré ?

Les enfants les plus vulnérables quant aux actes de pédophilie sont ceux qui n’ont pas encore de discernement donc qui n’est pas capable de déceler une atteinte, un attouchement sexuel.

Lorsque nous constatons que l’utilisation des outils informatiques se fait de plus en plus tôt chez les enfants, que très peu de parents connaissent la protection parentale sur internet, nous nous questionnons sérieusement quant aux réels dangers encourus par les mineurs.

 

Nonobstant le fait que la loi Schiappa n’assouplit pas la législation concernant le viol, elle ne modifie pas sérieusement la législation existante, ce que lui reprochent les associations de protection de l’enfance qui espéraient l’introduction de la « présomption de non-consentement pour les mineurs de 15 ans ».

 

La seconde crainte est une correctionnalisation du viol, effectivement les magistrats ne vont-ils pas être tentés de préférer poursuivre un violeur présumé devant un tribunal correctionnel pour le délit d’atteinte sexuelle avec pénétration, qui serait moins contraignant que d’aller devant la cour d’assises pour le crime de viol?

 

Aydanur Tufekci