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Simulacre de pendaison dans les rues de Stockholm : à quoi joue la Suède ?

Octobre 2020, le Ministre des Affaires Étrangères turc, Mevlüt Cavusoglu, reçoit son homologue suédoise Ann Linde.

Lors de la conférence de presse qui s’en suit, sur fond de la crise migratoire touché par la Grèce, la MAE suédoise enchaîne alors gaffes sur gaffes. Employant un ton condescendant, cette dernière lance à tout va des injonctions à l’encontre de Türkiye.

La réponse de Cavusoglu sera alors aussi cinglante que pertinente. Lui rappelant les bases du langage diplomatique, le MAE turc met alors son homologue face aux deux poids deux mesures pratiqué par la Suède pour finir en précisant qu’il n’y a rien de personnel. La séquence prendra fin par une gêne visible d’Ann Linde invoquant lamentablement son statut d’invitée…

Mevlut Cavusoglu avec Ann Linde en octobre 2020.

Qui aurait pu imaginer que pas moins d’un an et demi plus tard, la Suède serait contrainte de revoir son langage diplomatique envers Türkiye pour en adopter une beaucoup plus conforme aux relations internationales ? En effet entre temps, la guerre en Ukraine et la menace russe changera la donne et poussera la Suède à présenter sa candidature à l’OTAN, une alliance de laquelle Türkiye est l’une des plus anciens membres et où l’intégration de nouveaux pays candidats est soumis à un consentement unanime et non majoritaire.

Ankara n’a pas validé l’adhésion de la Suède

Tous les membres ayant donné leur feu vert, hormis Türkiye et la Hongrie, commence alors en avril 2022 un ballet diplomatique à sens unique entre Stockholm et Ankara. Car sans surprise, Ankara, préoccupée par la bienveillance de la Suède accordée à l’organisation terroriste du pkk, met de facto son veto en imposant ses conditions. Ces conditions portent essentiellement sur le respect des articles 3, 4 et 5 du Traité de l’Atlantique Nord auquel veut adhérer la Suède, à savoir la coopération entre nations de l’OTAN touchant la sûreté nationale de l’une d’entre elles.

Article 4 du Traité de l’Atlantique Nord :

Les parties se consulteront chaque fois que, de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties sera menacée

Or, malgré la reconnaissance du caractère terroriste par la Suède, l’organisation du Pkk à l’origine de plus de 40 milles victimes en Türkiye, jouit d’une relative liberté sur le sol scandinave.

Où en sont les pourparlers ?  

Alors que Türkiye garde la porte ouverte depuis le début des négociations, la Suède semble inconsciente de l’importance des attentes justifiées et légitimes d’Ankara. Malgré quelques pas timides où la Suède a d’abord levé l’embargo sur les armes qu’elle appliquait à l’encontre de Türkiye et l’extradition de personnes recherchées pour des délits de droits communs, le pays de Nobel n’a toujours pas répondu aux attentes majeures d’Ankara. A savoir l’interdiction de l’apologie du terrorisme et surtout l’extradition des terroristes du pkk, du Fetö ou encore d’autres organisations, Marxistes-Léninistes pour la plupart, ayant commis des attentats ou des meurtres et ayant attenté à la sûreté de Türkiye.

Dans ce contexte où les attentes de Türkiye sont on ne peut plus claires et où la Suède a beaucoup à perdre, beaucoup de questions se posent quant à la démarche de la Suède sur la route de l’OTAN. La Suède veut-elle réellement intégrer l’OTAN ou est-ce le Pkk qui fait entrave à cette intégration ? 

La Suède, otage du Pkk ?

A l’instar de François Mitterrand et de son épouse Danièle en France, les gouvernements socialistes suédois ont longtemps laissé s’installer les organisations terroristes sur son sol sans faire la part d’une prétendue « cause kurde » et « organisation terroriste », et ce malgré, comme rappelé plus haut, et tout comme la France, la reconnaissance du Pkk comme étant une organisation terroriste.

Malgré tout, la Suède a tout de même pris conscience d’un danger : celui de la menace russe d’où l’importance d’adhérer à l’OTAN pour SA sécurité, la question est de savoir si elle est consciente d’un autre danger, celui du Pkk, de l’intérieure celui-ci ?

Le choix des suédois, traditionnellement Social-démocrate, pour un gouvernement modéré, démontre-t-il un revirement des citoyens et ira-t-il jusqu’à demander la dissolution du pkk ? L’autre question est de savoir si le nouveau chef de gouvernement, Ulf Kristersson, a-t-il l’intention ou pas de s’attaquer au vaste chantier qu’est d’éradiquer le Pkk en Suède, la condition sine qua non d’Ankara ? 

En tout cas le rassemblement des militants du Pkk, ce 13 janvier à Stockholm, où les traditionnels drapeaux à l’étoile rouge et portraits de leur chef (officiellement interdits) étaient de sortie, à la différence que cette fois-ci la manifestation a donné lieu à une mise en scène inhabituelle et moyenâgeux dans un pays dit démocratique et respectueux des droits de l’homme, n’aideront certainement pas à convaincre Türkiye. En effet un simulacre de pendaison a été réalisé sur un mannequin représentant le Président turc, Recep Tayyip Erdogan, suspendu à une grue.

Réaction en chaîne côté turc

En réaction à cette sandale, le MAE turc a convoqué l’ambassadeur suédois à Ankara pour s’expliquer et plusieurs personnalités politiques turques, dont des opposants, se sont exprimés en demandant aux autorités suédoises de faire un choix entre l’OTAN et le Pkk.

Alors que les avocats de la Présidence turque ont informé porter l’affaire en justice, de son côté le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, a déclaré sur une chaîne de télévision :

« Si l’état suédois ne réagit toujours pas malgré nos attentes et face à ces actions menées (par le pkk), ceci démontre qu’il y a une faiblesse de l’état (suédois) ou une carence politique. Nous attendons que les autorités suédoises prennent des mesures, si ce n’est pas le cas, alors le processus d’adhésion à l’Otan ne peut aboutir »  

MG