Plusieurs régions dont l’Ile-de-France et l’Auvergne-Rhône-Alpes ont adopté cette mesure au nom de la lutte contre le travail détaché.
Dans une instruction interministérielle adressée aux préfets, quatre ministres rappellent aux préfets que cette clause, censée imposer l’usage de la langue française sur les chantiers pour lutter contre le travail détaché, est « discriminatoire » et « porte atteinte au principe d’égal accès à la commande publique ».
Il rappelle que cette clause est contraire au droit européen relatif au détachement de travailleurs et à la libre prestation de services, qui interdit les « discriminations directes ou indirectes à l’égard des opérateurs économiques et des travailleurs d’autres Etats membres ». Le Code du travail n’interdit pas, rappelle le texte, « l’obligation de parler ou de comprendre le français » aux travailleurs.
Une clause adoptée par cinq régions !
Mise en place pour la première fois par l’adjoint aux finances de la ville d’Angoulême (Charente), le Républicain Vincent You, en mars 2016, la clause Molière s’est rapidement imposée comme le symbole, pour la droite, de la lutte contre le dumping social. De nombreuses collectivités territoriales LR ont ainsi décidé de suivre l’exemple de la capitale charentaise. Un mois après Angoulême, la région Pays de la Loire a voté l’inclusion de la «clause Molière» dans ses appels d’offres. En mai 2016, le conseil régional des Hauts-de-France a également adopté une motion lui permettant d’imposer le français sur les chantiers dont il est le maître d’ouvrage. La Normandie, présidée par l’élu UDI Hervé Morin, a suivi son exemple en décembre 2016. Le 9 février dernier, la région Auvergne-Rhône-Alpes, sous l’impulsion de son président LR, Laurent Wauquiez, a adopté la mesure, pourtant fermement condamnée par le préfet de région, Michel Delpuech.
Un mois plus tard, le conseil régional d’Île-de-France a exigé à son tour que les travailleurs détachés des TPE et PME de la région parlent uniquement le français. Porté par Valérie Pécresse, le texte a immédiatement suscité une levée de boucliers au PS, MoDem et Front de gauche. Au lendemain de l’adoption de la clause Molière en Ile-de-France, le ministre de l’Économie et des Finances, Michel Sapin a ainsi décidé de saisir la direction des affaires juridiques, qualifiant la clause «Molière» de «mesure raciste, discriminatoire et inapplicable». L’instruction interministérielle dévoilée hier confirme la décision du gouvernement de maintenir une opposition ferme à la clause, et de déplacer désormais le débat sur le terrain juridique.
285.025 contrats de travail détaché en 2015 en France
D’après la commission de lutte contre le travail illégal, le travail détaché concernait 285.025 contrats en 2015 en France, un chiffre en hausse de 25% par rapport à 2014. En vertu d’une directive européenne datée de 1996 (la directive dite «Bolkestein), ces milliers de salariés sont envoyés par leur employeur dans l’Hexagone pour y fournir un service temporaire, tout en relevant du régime de leur pays d’origine pour les charges sociales. Venus en majorité d’Europe centrale, ils œuvrent principalement dans le bâtiment, l’industrie et l’agriculture.
Si la classe politique dénonce unanimement l’impact négatif de ce dumping social sur les salariés français, l’unanimiste est loin d’être la règle lorsqu’il s’agit d’établir les moyens à mettre en œuvre pour contenir le phénomène. Depuis novembre dernier, la lutte s’intensifie cependant à l’échelle européenne. La France et l’Allemagne portent ensemble une demande de révision ciblée de la directive Bolkestein qui tarde pour le moment à se concrétiser.
Par Mustafa Y.