Des milliers de musulmans de Bosnie se retrouvent chaque dernier weekend de Juin à Prusac, en Bosnie centrale, pour leur pèlerinage annuel, venus de toute la Bosnie et même de Turquie.
L’Ajvatovica, le nom de ce pèlerinage, est en fait la célébration d’un homme : Ajvaz Dedo. L’histoire populaire raconte qu’il est arrivé en Bosnie avec la conquête ottomane. « À l’époque la ville n’avait pas d’eau. Il y avait une source un peu plus loin, dans la forêt, mais il était impossible de l’acheminer jusqu’ici à cause d’un énorme rocher. Ajvaz Dedo a très vite vu qu’on ne pouvait pas faire passer l’eau et qu’il fallait briser la roche, raconte Ismet, un habitant de Prusac. Il a alors prié pendant quarante jours pour demander à Dieu de briser la roche, et au matin du quarantième jour, il y eut un tremblement de terre, et la roche s’est brisée. »
Depuis, la ville de Prusac est alimentée en eau courante. Les pèlerins visitent le tombeau de Ajvaz Dedo puis suivent une route d’environ sept kilomètres dans la forêt et les montagnes pour rejoindre cette fameuse roche brisée en deux et traverser, les uns derrière les autres, son étroit couloir avant de se retrouver sur la plaine voisine pour boire l’eau de la source et prier ensemble.
« Je viens tous les ans depuis 1990 – à l’exception des années de guerre, raconte Sehida, originaire d’une ville voisine. Et à chaque fois, je suis toujours aussi émue de commémorer ce miracle. » Mais l’Ajvatovica célèbre également « l’arrivée des Turcs et de tout ce qu’ils ont apporté avec eux, la science, le savoir, la culture… et évidemment l’islam et Ajvaz Dedo », comme l’avance Sakib Began, l’imam de la mosquée principale de Prusac.
En 1990, après l’interruption du pèlerinage durant la période communiste, les bosniaques musulmans ont œuvrés pour revivifier le pèlerinage d’Ajvatovica.
Chaque année, de 3000 à 5000 personnes se rendent sur le site et elles viennent essentiellement de Bosnie centrale.
« Ici, nous pratiquons un islam européen : nous ne célébrons pas la différenciation du musulman bosniaque par rapport aux Serbes ou aux Croates, mais une culture unique, mélange d’Orient et d’Occident ainsi que les choses que nous ont apportées les Turcs, se défend l’imam Sakib Began. Avant la guerre, certains Serbes nous ont aidés, en nous prêtant des chevaux, par exemple ! Aujourd’hui, c’est différent. J’aimerais que ça redevienne ainsi. ça avance, mais la réconciliation prend du temps… »
Hamza