Le voile islamique continue de déchaîner les passions en France. Il demeure, en effet, au centre de multiples débats et les femmes qui le portent doivent régulièrement subir les positions discriminantes de politiques émanant parfois du plus haut niveau de l’Etat. Le dernier scandale en date se rapporte à l’affaire du hijab de running commercialisé par l’enseigne Decathlon.
En moins d’une semaine, les islamophobes, par le biais de menaces, d’appels malveillants, de tweets et de postures racistes, ont dissuadé la marque, qui a décidé, « pour la sécurité de ses employés », de suspendre la vente de ce produit.
Cette affaire n’est pourtant qu’une simple illustration du climat qui règne dans le pays quand le sujet de l’Islam y est abordé. Les polémiques s’enchaînent, les unes après les autres, avec toujours en première ligne, les femmes qui ont fait le choix de porter un foulard.
– Quelles illustrations de cet acharnement ?
Quand il s’agit du voile, on ne pardonne rien. En 2017, la jeune chanteuse, Mennel, avait été contrainte d’abandonner sa participation à une émission de téléréalité dans laquelle elle était apparue avec un turban sur la tête. Des internautes avaient exhumé des tweets pour, finalement, exiger qu’elle soit exclue du concours de chant de l’émission « The Voice ».
L’année suivante, c’était à l’étudiante Maryam Pougetoux, de subir une véritable cabale après être apparue voilée dans un journal télévisé où elle s’exprimait au nom d’un syndicat éstudiantin. Malgré le harcèlement en ligne qu’elle a subi, la jeune femme avait tenu bon et poursuivi son engagement associatif avec le soutien de ses camarades.
Mais les figures médiatisées ne sont pas les seules à subir l’acharnement des politiques, des médias et des réseaux sociaux.
Pour simple exemple, les mères accompagnatrices des sorties scolaires, continuent d’être discriminées dans de nombreux établissements scolaires, en dépit de multiples décisions de justice qui reconnaissent, pourtant, leur droit le plus élémentaire à participer aux activités scolaires avec leur voile.
– Les militants dénoncent un dévoiement de la laïcité
Après le scandale de l’affaire Decathlon, l’avocat Asif Arif et le conseiller municipal de Saint-Denis Madjid Messadoudène ont publié une tribune dans laquelle ils dénoncent conjointement le problème des islamophobes avec « la visibilité de l’islam ».
Ils rappellent dans leur écrit que l’on assiste dans l’Hexagone à un « défilé d’individus sur les place de télévision – que l’on pourrait qualifier d’entrepreneurs identitaires – visant à asséner, assise médiatique à l’appui, une rhétorique clairement positionnée contre le voile ».
Sur un registre purement légal, ils pointent du doigt le fait que cette cristallisation collective sur la question du foulard des femmes n’a rien à voir avec le principe de laïcité.
«Il n’existe aucune violation de la laïcité dans ce domaine, puisque la laïcité de l’Etat y est totalement étrangère », martèlent-ils sans détour, après avoir précisé que « le féminisme sélectif, visant à ne défendre la femme que lorsqu’elle n’est pas voilée, semble davantage relever de la discrimination que de la volonté affichée de soutenir les femmes».
De son côté, l’ »Organization of Racism and Islamophobia Watch » (ORIW), déplore «non seulement une augmentation des propos islamophobes mais surtout une banalisation des discours de haine».
L’organisation estime que « les personnalités politiques contribuent à cette dérive et dépeignent le voile comme un étendard de l’islamisme ».
Fatih Karakaya, président de l’ORIW fustige, pour sa part, le fait que « les pratiques les plus banales sont qualifiées d’islamistes et (…) on peut clairement affirmer qu’aujourd’hui derrière l’anti-islamisme se cache, en réalité, une islamophobie décomplexée».
– Des prises de position politiques contraires au droit
Régulièrement, des personnalités politiques, y compris des ministres, laissent transparaître leurs avis personnels sur la question du port du voile islamique, et ce, y compris lorsqu’ils sont en contradiction avec le cadre légal.
Ainsi, interrogée sur la commercialisation du hijab de running de Decathlon, la ministre française de la Santé, Agnès Buzyn, a déclaré qu’elle aurait « préféré qu’une marque française ne promeuve pas le voile », précisant que « c’est une vision de la femme » qu’elle « ne partage pas».
Dans une tribune publiée dans la presse française, la secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, y est, elle aussi, allée de son commentaire en posant la question : « quel message la France adresse-t-elle aux femmes courageuses qui (…) retirent le voile ? »
« Je ne crois pas que le droit puisse être ici la seule grille de lecture des faits », a-t-elle écrit, précisant qu’il était nécessaire de se pencher sur « une analyse politique des faits».
C’est finalement le président de la République Emmanuel Macron en personne qui a tranché la vision de la laïcité suivie par l’Etat.
Interrogé par une femme voilée le, 1er mars dernier, dans le cadre du « grand débat national », au cours d’une séquence retransmise en direct à la télévision, il a été très clair en rappelant le droit.
« Si parce que vous portez un foulard, vous n’êtes pas embauchée, c’est une discrimination à l’embauche et il faut la dénoncer », a tranché le chef de l’Etat, rappelant que la laïcité est une « loi de liberté » qui permet à chacun de manifester librement sa religion.
Pour autant, nul doute que la problématique française de la visibilité des musulmans en France continuera de susciter moult débats au sein même de la société.
Certains, notamment au sein des partis de droite, d’extrême droite ou encore parmi la gauche identitaire, voudraient voir le voile définitivement interdit dans l’espace public, faisant fi des règles de droit et du principe universel de liberté individuelle.
Fawzia Azzouz
Source AA