MEDYATURK | Publié le . Mis à jour le

Gilets jaunes : éternel recommencement de l’Histoire, de Louis-Philippe 1er à Emmanuel Macron

Depuis le mandat de Sarkozy , les français grondent, lessivés par des taxations incessantes, un pouvoir d’achat dégringolant, une incertitude latente de l’avenir, se sentant trahis et lésés par la classe politique. L’annonce de l’augmentation de la taxe sur les carburants fut, fin octobre, la goutte d’eau qui fit déborder leur patience.

Le déjà-vu d’une insurrection populaire : Emmanuel Macron à l’image du dernier roi de France Louis-Philippe d’Orleans? Pourra t-il éviter la fin vécu par ce roi?

Dans notre article du 26 octobre, nous avions fait le point sur l’ appel à manifester diffusé sur les réseaux sociaux qui fut un franc succès. Les français s’organisent spontanément pour exprimer leurs revendications et choisissent le gilet jaune, à l’origine un gilet de haute visibilité dont la présence est obligatoire dans les véhicules, comme symbole de ralliement et fixent une date pour le premier mouvement de contestation au 17 novembre dans toutes les villes de France.

Le mouvement des gilets jaunes prend sa source dans l’augmentation de la taxe des carburants mais rapidement la contestation s’élargit à d’autres revendications portant sur le pouvoir d’achat des classes moyenne et populaire.

Se référant au caractère spontané de ce mouvement social, les médias mainstream rapportent les faits en les empreintant de qualificatifs historiques :

  • Poujadisme pour certains, renvoyant au mouvement politique et syndical français apparu en 1953 , prenant sa racine du nom de Pierre Poujada, revendiquant la défense des commerçants et des artisans mis en danger par l’apparition et le développement des grandes surfaces.

Nous constatons que ce terme est employé à tord puisque le mouvement des gilets jaunes ne s’appuie  pas sur une représentation syndicale et ne concerne pas une catégorie  précise de la population.

  • Jacquerie pour d’autres, en référence aux révoltes paysannes du Moyen-Âge. En sciences politiques, ce terme désigne aussi les mouvements de contestations paysannes contemporaines.

Cette expressions ne colle pas non plus au profil des gilets jaunes dont la composition est hétéroclite, retraités, artisans, ouvriers, étudiants, agriculteurs, employés,de tout âge constituent ce mouvement.

S’il faut absolument comparer le mouvement des gilets jaunes à un événement historique, il s’apparente plus facilement à la révolution de 1848, qui s’inscrit dans le printemps des peuples en Europe à cette époque.

Similitudes des 2 événements:

  • le 24 novembre 2018, les gilets jaunes, au nombre de 8000 selon les sources gouvernementales, ont cristallisé leur mouvement sur Paris, dans le but de marcher sur le palais présidentiel / du 22 au 25 février 1848, 3000 parisiens sur une population d’environ un million, s’insurgent contre le dernier des rois de France, LouisPhilippe 1er.

 

  • Ces 2 mouvements trouvent leurs origines dans la crise financière, la misère, les conditions précaires des ouvriers.

 

  •  Ces 2 insurrections sont réprimées vigoureusement par les forces de l’ordre, même si le nombre de morts lors de la révolution fût au nombre de 350.

 

  • Emmanuel Macron, comme Louis-Phillipe 1er ne mesure pas l’ampleur de la détermination des insurgés. Là n’est pas le seul point commun entre les 2 hommes. Louis-Philippe d’Orleans confie les affaires financières et manufacturières à la bourgeoisie qui permet un essor économique très important, c’est le point de départ de la révolution industrielle, cependant il ne voit pas la détresse de la classe ouvrière qui s’appauvrit. Le manque de compréhension du roi envers cette classe laborieuse, le refus d’entendre leurs doléances seront les causes de son abdication et de son exil.

Appel à un acte lll du mouvement des gilets jaunes

Macron, le 17 novembre, ne prend pas au sérieux les gilets jaunes, et continue son périple personnel à  la course de la présidence européenne. Les gilets jaunes décident de durcir le ton en montant en masse sur la capitale française le 24 novembre, qu’ils nomment l’acte ll du mouvement. Un dispositif important des forces de l’ordre a été déployé pour éviter la marche des gilets jaunes vers l’Elysée, alors ont lieu des confrontations sanglantes entre forces de l’ordre et gilets jaunes. De tout part, s’élève le chant de La Marseillaise ainsi que des appels à démission de Macron.

Les gilets jaunes, attendaient mardi 25 novembre, l’allocution de Macron, pour  décider de la posture à adopter pour la suite. Le président de la République n’ayant pas cédé sous la pression, et refusé de recevoir une délégation de gilets jaunes, ces derniers ont décidés de reconduire le mouvement sur Paris, et lancé un appel massif sur les réseaux sociaux pour rassembler la France d’en bas que le Président s’entête à ne pas entendre.

Sans se soucier de sa  baisse de popularité, tel un despote, Macron dénie et dénigre la population française, refusant de se rendre à l’évidence du sérieux et de la détermination de ses citoyens.

Un nouveau printemps français ?

Le roi Phillips d’Orléans, dans son obstination et sa nonchalance face aux insurgés a dû renoncer au trône et quitter la France, marquant la fin de la monarchie en France. Macron donne l’impression de marcher sur les pas du roi. Le mouvement des gilets jaunes risque t-il d’embraser  la France?  Sommes-nous à la veille du déclin de la 5ème  République ?

La lecture de Germinal d’Emile Zola, est frappante de similitude. Le temps passe, les époques changent mais l’Histoire est un perpétuel recommencement…

Quelques extraits de Germinal ;

« Tout est si cher! reprit madame Rasseneur, qui était entrée et qui écoutait d’un air sombre, comme grandie dans son éternelle robe noire. Si je vous disais que j’ai payé les œufs vingt-deux sous… Il faudra que ça pète. Les trois hommes, cette fois, furent du même avis. Ils parlaient l’un après l’autre, d’une voix désolée, et les doléances commencèrent. L’ouvrier ne pouvait pas tenir le coup, la révolution n’avait fait qu’aggraver ses misères, c’étaient les bourgeois qui s’engraissaient depuis 89, si goulûment, qu’ils ne lui laissaient même pas le fond des plats à torcher. Qu’on dise un peu si les travailleurs avaient eu leur part raisonnable, dans l’extraordinaire accroissement de la richesse et du bien-être, depuis cent ans? On s’était fichu d’eux en les déclarant libres: oui, libres de crever de faim, ce dont ils ne se privaient guère. Ça ne mettait pas du pain dans la huche, de voter pour des gaillards qui se gobergeaient ensuite, sans plus songer aux misérables qu’à leurs vieilles bottes. Non, d’une façon ou d’une autre, il fallait en finir, que ce fût gentiment, par des lois, par une entente de bonne amitié, ou que ce fût en sauvages, en brûlant tout et en se mangeant les uns les autres. Les enfants verraient sûrement cela, si les vieux ne le voyaient pas, car le siècle ne pouvait s’achever sans qu’il y eût une autre révolution, celle des ouvriers cette fois, un chambardement qui nettoierait la société du haut en bas, et qui la rebâtirait avec plus de propreté et de justice. »

« Notre désir, par malheur, est que la Compagnie s’occupe moins de nous, et qu’au lieu de jouer le rôle de providence, elle se montre tout bonnement juste en nous donnant ce qui nous revient, notre gain qu’elle se partage. Est-ce honnête, à chaque crise, de laisser mourir de faim les travailleurs pour sauver les dividendes des actionnaires?… Monsieur le directeur aura beau dire, le nouveau système est une baisse de salaire déguisée, et c’est ce qui nous révolte, car si la Compagnie a des économies à faire, elle agit très mal en les réalisant uniquement sur l’ouvrier.»

– Il faut que ça pète, répéta énergiquement madame Rasseneur.»

ATD