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La volte-face d’Emmanuel Macron sur le voile ne convainc pas les musulmans

macron femme voilée

En déplacement, mardi dernier, à Strasbourg dans l’est de la France, dans le cadre de la campagne pour le second tour de la présidentielle, Emmanuel Macron, a déclaré que c’était beau de rencontrer une fille voilée et féministe. Des propos qui n’ont pas manqué de rappeler ses déclarations précédentes sur le sujet.

Soucieux de reconduire son quinquennat, le Président français multiplie les rencontres de terrain, contrairement au premier tour où il a été quasi absent. Mardi, il était en déplacement pour un meeting à Strasbourg où il a profité de l’occasion pour se faufiler au milieu de la foule. C’est là qu’il a été interpellé par une jeune fille voilée.

« Etes-vous féministe ? » a demandé la jeune femme au Président de la République qui lui a répondu par l’affirmative. Cette réponse a ravi la jeune fille qui a crié : « ça c’est bon monsieur ».

C‘est par la suite au tour du Président de demander à la jeune fille si elle était féministe. Après avoir obtenu une réponse positive, il enchaîne : « êtes-vous pour l’égalité hommes-femmes ? ». La fille voilée répond « qu’elle était pour ».

Macron poursuit demandant à la fille si le port du voile « était un choix personnel ou imposé ». « C’est par choix, totalement par choix », a défendu alors la jeune femme. C’est là que le Président a dit :

« Ce qui est beau, c’est d’avoir une jeune fille qui porte le voile à Strasbourg et qui dit “est-ce que vous êtes féministe ?”… C’est la meilleure des réponses à toutes les bêtises que j’entends ».

Une volte-face pour attirer les électeurs musulmans ?

Selon un sondage publié au lendemain du premier tour par le journal la Croix, 69% des électeurs musulmans ont voté pour le candidat de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon.

Arrivé troisième avec près de 22%, juste derrière Marine Le Pen, Mélenchon, bien qu’il ait appelé à ne pas voter pour la candidate de l’extrême droite, n’a pas non plus apporté son soutien explicite au Président sortant. contrairement aux autres candidats de la gauche.

Ces données sont importantes car, comme le rappelle le média d’Etat français France 24, « malgré sa légère avance au premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron devra convaincre au-delà de son camp pour être réélu à l’Élysée. Les principaux électeurs à aller chercher sont les quelques 22 % qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour. Une tâche qui s’annonce ardue ».

De ce fait, pour convaincre ces électeurs, Emmanuel Macron n’a pas hésité à mettre sur la table sa réforme des retraites mais il a fait surtout un clin d’œil à l’électorat musulman.

« Quand je vois l’extrême droite, Madame Le Pen qui dit que le voile serait interdit, qu’on n’aurait pas le droit de manger halal ou casher…Ce n’est pas la présidente de tous les Français », affirmait d’ailleurs Emmanuel Macron, au lendemain du premier tour.

Et donc c’est aussi dans ce cadre que soudain, Emmanuel Macron s’est présenté en défenseur du voile « libre » pour attirer un électorat musulman qui ne serait pas tenté pas Marine Le Pen mais qui verrait aussi en Macron une politique d’extrême droite.

Ces tentatives d’amadouement nous font pourtant rappeler de nombreuses déclarations controversées d’Emmanuel Macron sur le voile depuis qu’il est au pouvoir.

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Face à l’extrémisme de Marine Le Pen, le choix de l’hypocrisie

En réalité, Emmanuel Macron, veut montrer son opposition à Marine Le Pen qui souhaite interdire le voile dans l’espace public.

Tout d’abord, comme le soulignait, Erwan Bruckert, en février 2022, dans les colonnes de l’Express, « la position du Président sur le voile manque de clarté ».

En effet, selon le programme publié sur le site d’Emmanuel Macron en 2017, le candidat voulait distinguer « la liberté, la règle et l’interdiction, l’exception ». De plus, il déplorait que « trop de Français confondent la laïcité et l’interdiction des manifestations religieuses ». De même, il affirmait que dans les services publics, les usagers « doivent voir protégée leur liberté d’exprimer leurs convictions religieuses et spirituelles, dans la limite du raisonnable comme des règles de l’ordre public et du bon fonctionnement de ces services ».

Pourtant, à peine un an après son élection, son discours a radicalement changé mais surtout il a « laissé » ses ministres faire des déclarations très hostiles au voile.

« En avril 2018, sur BFMTV, Emmanuel Macron qualifiait le voile de « pas conforme à la civilité qu’il y a dans notre pays, c’est-à-dire au rapport qu’il y a entre les hommes et les femmes », appelant sur ce sujet à une « bataille pour l’émancipation ». Souvent homme varie… », a rappelé la journaliste Gabrielle Cluzel.
Ce jour-là, Macron avait même estimé que « le voile nous insécurise » et estimé qu’il était un « enfreint à l’égalité hommes-femmes ».

Les discours hostiles au voile du président

De plus, comme l’ont rappelé plusieurs internautes, plusieurs ministres du gouvernement d’Emmanuel Macron ont, durant le quinquennat, eu à plusieurs reprises des mots très critiques contre le port du voile.

En effet, en mai 2018 la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur de France, chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, avait qualifié « d’acte politique » le port du voile.

« Le voile n’est pas souhaitable dans notre société. Ce n’est pas quelque chose à encourager », avait, de son côté déclaré le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, fin 2019.

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a de son côté réaffirmé à plusieurs reprises son opposition personnelle au port du voile.

On pourrait imaginer que les positions des ministres ne sont pas celles de Macron. Mais comme le rappelle encore Erwan Bruckert, Macron n’intervient jamais dans ces polémiques pour éteindre l’incendie et, pire encore, il soutient plutôt les hostilités envers « ce bout de tissu ».

Ce fut le cas, notamment dans l’affaire dite « des Hijabeuses » en février dernier, où les sénateurs voulaient interdire le voile dans les compétitions sportives. En effet, lorsque la ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes, Élisabeth Moreno, avait affirmé qu’elle soutenait la possibilité pour les filles de faire du sport sans être discriminées avec le voile, cela a déclenché « une alerte rouge en Macronie », toujours selon Erwan Bruckert.

D’après le journaliste, « pressés par leurs patrons, plusieurs cabinets ministériels, dont ceux de Marlène Schiappa, Bruno Le Maire ou Jean-Michel Blanquer ont passé des coups de fil à l’Élysée et à Matignon » et plusieurs députés ont cherché à savoir « s’il s’agit ou non de la position officielle du gouvernement… et, accessoirement, du Président ».

Perçue comme l’expression d’un soutien aux Hijabeuses, cette déclaration de la ministre a donc contraint l’Exécutif à désavouer la ministre, par la voix de son porte-parole, Gabriel Attal et donc accessoirement par le président lors d’une interview sur Europe 1.

« Cette position ne reflète pas celle du gouvernement », a plaidé le porte-parole.

Autre exemple flagrant fût le cas d’une candidate qui s’est vu retirer son investiture par le parti présidentiel pour les élections départementales de mai 2021 à cause, justement, de son voile.

Double discours

Force est de constater qu’Emmanuel Macron tient un double discours concernant le voile en particulier et la place de l’islam en France en général. Ce constat est partagé par de nombreux Français de confession musulmane.

« Les musulmans qui voteront Macron ne sont-ils pas rassasiés de la politique de Darmanin ? », s’interroge sur son compte Twitter, par exemple David Bizet, un Français de confession musulmane qui a choisi de s’exiler en Turquie.

« En 2017, Macron avait tenu exactement ce même discours quand il était candidat. Aujourd’hui, il ne cherche qu’à instrumentaliser le voile. Macron a toujours identifié Le Pen comme sa principale adversaire et déporté les questions sociales sur les questions identitaires pour s’assurer un second tour contre elle », affirme d’ailleurs, l’activiste sur les réseaux sociaux, Maeva, au correspondant de l’Agence Anadolu.

Ce double discours fût aussi remarqué par les opposants au voile. Connue pour sa position très hostile au voile, l’auteure et co-fondatrice du mouvement « Viv(r)e la République », Céline Pina, a accusé le Président français de courir derrière les électeurs de Mélenchon.

« Le score de Mélenchon étant vu comme porté par un électorat musulman, Macron souhaite siphonner cette clientèle et se montre complaisant envers ce signe du refus de l’égalité hommes-femmes qu’est le voile. Une faute et une trahison », s’est-elle insurgée sur son compte Twitter.

Reste à savoir, combien de temps le Président va-t-il pouvoir tenir ce double discours. Wait and see.

Fatih KARAKAYA

Source Anadolu Agency