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De l’islamophobie en général et de la «mauvaise foi» en particulier

Macron ingérence turque islamophobie

La France, haut lieu de la culture démocratique et « référence », s’il en est, en termes de Droits de l’Homme et des libertés individuelles, vit depuis quelques années son « American Dream ».

Un jeune banquier, bien sous tous rapports, propulsé en quelques mois en tête de sondages pour le moins complaisants, devançait ainsi, en 2017, les cadors de la scène politique française, lâchés par une presse locale inféodée, comme ailleurs, aux principaux magnats de la sphère politico-financière du pays.

Leur champion en poste, les mécènes du nouveau locataire de l’Elysée, leurs « porte-plumes », ainsi que les animateurs et chroniqueurs de médias publics et privés français, qui s’attendaient à un quinquennat que chacun d’eux fantasmait à l’aune de ses propres intérêts, ont eu maille à partir avec une opinion publique française de moins en moins indulgente envers les « déboires » de sa classe dirigeante.

Benalla, les Gilets jaunes et les autres

Malmenée par une frange, restée libre, de la presse française, dont le site Mediapart, la Macronie à peine sortie de la crise de la « réforme des retraites » menée tambour battant par le premier ministre de l’époque, Edouard Philippe, doit ensuite composer avec ce que d’aucuns ont baptisé « le scandale Benalla », du nom d’un ancien chargé de mission auprès du cabinet présidentiel, chargé de tâches sécuritaires.

En fait de tâches sécuritaires, le « Monsieur Muscles » de l’Elysée se distinguera devant les caméras des journalistes français, en participant à la répression de manifestants lors du défilé du 1er mai 2018. Il sera vraisemblablement jugé pour ces faits devant un tribunal correctionnel et devra répondre à l’accusation de « violence en réunion », après avoir été renvoyé en correctionnelle pour « faux », « usage de faux » et « usage public et sans droit de documents justifiant d’une qualité professionnelle » dans l’affaire dite des « passeports diplomatiques ».

Emmanuel Macron était encore empêtré dans ce bourbier médiatique, lorsque le mouvement des Gilets jaunes avait commencé à prendre de l’ampleur.

Son protégé écarté, le président de tous les français tente alors de se rattraper auprès de ceux d’entre eux qui ne se reconnaissent pas, ou plus, dans les politiques menées par son gouvernement.

À l’origine du mouvement des Gilets Jaunes, « l’augmentation du prix des carburants automobiles, issue de la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) », sera finalement abandonnée, pour être remplacée par la « loi portant mesures d’urgence économiques et sociales ».

Emmanuel Macron lance ensuite un « grand débat national », l’occasion pour lui d’annoncer une baisse d’impôts pour les classes moyennes et la réindexation des petites retraites. Or, ces mesures sont loin de le racheter aux yeux de la rue, qui y répond, via les sondages de l’époque (BVA, Ifop, Elabe, Harris Interactive, Ipsos, Kantar Sofres et Odoxa), qui voient le président français ne récolter que 23,5 % d’opinions favorables.

N’ayant pas réussi à convaincre, à seulement quelques mois de l’élection qui lui avait offert un « prétendu » plébiscite populaire en 2017, le président français voit sans doute dans la pandémie de coronavirus une espèce de planche de salut pour une présidence désormais à la dérive.

Loin s’en faut, puisque selon les derniers sondages (Ifop-Fiducial pour Match et Sud Radio), « la confiance dans l’action d’Emmanuel Macron repart à la baisse (-2 %) et recule à 39% ».

Selon un sondage Odoxa-Backbone Consulting, effectué début février, 60 % des Français n’ont pas confiance dans la gestion de la pandémie de la Covid-19 par le gouvernement de Jean Castex, à près d’un an du début de la crise sanitaire en France.

De scandale en échecs, et à l’approche des élections présidentielles prévues pour avril 2022, le mandat du président français touche à sa fin sans que ce dernier n’ait engrangé autre chose dans sa besace que des « effets d’annonce » qui ne dupent plus les français. Les arguments à même d’alimenter sa campagne de réélection, car Emmanuel Macron compte se succéder à lui-même en 2022, lui font douloureusement défaut.

« Solution miracle »

Et c’est au milieu de ce marasme que la Macronie décide d’opter pour la « solution miracle » ! « Si ça a marché aux Etats Unis, il n’y a pas de raisons pour que cela ne puisse pas être tenté en France », peut-on imaginer penser les Golden Boys de l’Elysée. Il faut au peuple français un « ennemi » sur lequel focaliser son attention. Un « Wag the dog » à la française !

C’est ainsi que l’Exécutif français, Macron en tête, décide de brandir la nouvelle mode de « l’ingérence », mais inversée cette fois-ci. L’ingérence de ceux qui étaient autrefois considérés comme des « vassaux » et qui ont aujourd’hui l’outrecuidance de traiter d’égal à égal avec les grandes puissances du monde occidental.

Une fois prise la décision d’imputer à un gouvernement étranger les errements de sa propre politique, Macron se devait ensuite de choisir son nouveau « croque-mitaine » !

Allait-il jeter son dévolu sur la Russie ? Cible à la mode pour ce genre d’accusations, le parachutage de Moscou dans les élections françaises aurait sans doute eu un relent comique, ne dit-on pas que l’histoire ne se répète que sous la forme d’une farce ?

S’en prendre à la Russie après le rapport des services de renseignement américains qui a conclu, quatre ans après les faits, que « Moscou cherchait à saper la confiance du public dans le processus électoral et à exacerber les divisions sociopolitiques aux États-Unis », risquait peut-être de faire passer la saillie de l’Exécutif français pour un procès d’intention à la Russie…

Les adversaires de Macron lors de prochains scrutins auraient pu, à leurs tours, être tentés par des accusations contraires contre un autre Etat qui aurait, lui, tenté de s’ingérer dans ce processus pour favoriser Macron ? Un exemple loufoque tel que l’accusation d’ingérence cubaine dans les présidentielles américaines de 2020, pour contrecarrer la réélection de Donald Trump, aurait sans doute été intéressant à suivre sur certains plateaux de télé français riches de leurs chroniqueurs survoltés.

D’autant que les conclusions du rapport des renseignements américains indiquent qu’ « il n’y a aucune indication qu’un acteur étranger ait tenté d’altérer un aspect technique du processus de vote lors des élections américaines de 2020, que ce soit au niveau de l’inscription des électeurs, du dépôt des bulletins de vote, du dépouillement des votes ou de la communication des résultats ». « Tout a pour ça ? », serait-on tenté de s’interroger.

La piste chinoise aurait pu être viable, au vu des critiques adressées par Paris à Pékin concernant ce qu’endurent les Ouighours au Xinjiang, sans compter le fait que la pandémie de coronavirus a trouvé son origine en Chine… Cela aurait peut-être pu servir de justification à une prétendue ingérence chinoise ?

La France est certes courageuse, mais certainement pas assez téméraire pour s’attirer les foudres du Dragon chinois, d’autant que Paris n’a plus, depuis plus d’un siècle, l’envergure nécessaire pour se lancer dans un conflit « ponctuel » avec la Chine. Le retour de manivelle aurait représenté une trop grande gageure pour un pouvoir désormais en mal d’assise populaire.

François Mitterrand, dont l’honneur a récemment été « livré aux chiens » à la faveur d’un rapport relatif au génocide Rwandais, commandé en 2019 par Emmanuel Macron, avait tenu à laisser dans son testament politique la réflexion suivante : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment (…) pourtant une guerre à mort. »

La France a toujours fait mine d’ignorer ces faits avérés, même si en 1995 des agents de la CIA impliqués dans une affaire d’espionnage ayant touché le cercle rapproché de l’ancien premier ministre de l’époque, Edouard Balladur, avaient été poliment « priés de quitter le territoire français ».

La Macronie a-t-elle ne serait-ce qu’envisagé cette piste-là ? Il est permis d’en douter, puisque les Etats-Unis sont un « allié indéfectible de la France ».

S’acharner contre la Turquie

Or un autre « allié » semble tout indiqué pour être voué aux gémonies de l’électorat français… Celui-là même qui fait de l’ombre à la France dans son « pré carré » africain ! L’Etat qui ose traiter d’égal à égal avec un pays qui a un pouvoir décisionnel quant à son adhésion à l’Union Européenne. Le pays qui a le plus long littoral de la méditerranée et qui prétendrait, insolent, à sa part légitime des richesses que renfermerait le « Mare Nostrum ». Le président d’un pays musulman qui « s’entête » à ne pas reconnaitre au président de la France le droit, en tant que non-musulman, de s’inventer une religion sur mesure baptisée « Islam de France »… Cet allié n’est autre que la Turquie et son président Recep Tayyip Erdogan !

Il ne restait donc plus qu’à déterminer l’angle d’attaque, la justification à présenter pour les tentatives d’ « ingérence » d’Ankara. Et quel meilleur argument que celui justement de l’Islam ? Cette religion et ses fidèles ne sont-ils pas devenus l’épouvantail parfait ? Les médias Main Stream occidentaux n’ont-ils pas passé les 20 dernières années à présenter près de deux milliards de musulmans comme les adeptes d’une « secte de tueurs et d’assassins » ?

La campagne de la Macronie contre l’islam ne date pas d’hier. Depuis le tristement célèbre discours dit « des Mureaux », où le jeune président de l’ancienne France fustigeait ce qu’il définissait (mal) comme « le séparatisme » musulman, les problèmes de la France, qu’ils soient économiques, politiques, ou sociaux, ont cédé leur place dans les médias français au seul réel problème digne, à leurs yeux, d’être résolu : l’islam !

Au lendemain de l’horrible assassinat d’un jeune professeur français, Samuel Paty, par un émigré tchétchène ayant invoqué des motifs religieux pour son acte, une grande majorité de la classe politique française a décidé d’en découdre avec l’islam !

Loin du tristement célèbre « nettoyage au Karcher » prôné par l’ancien président Sarkozy, c’est un quasi nettoyage par le vide qu’a prôné l’actuel pouvoir français, soutenu en ce sens par ses relais médiatiques, comme en témoignent les persécutions contre les ONG d’obédience musulmane en France, sur les plateaux de radio, de télévision, dans les colonnes des journaux et jusque dans les tribunaux.

L’ONG « Collectif Contre l’Islamophobie en France » (CCIF), ou encore l’association humanitaire « Barakacity », ont ainsi fait l’objet d’une vindicte sommaire, et ont été dissoutes par décret du président de la République. Leurs recours devant le conseil d’Etat français ne leur a pas rendu justice, une justice que les deux ONG comptent désormais solliciter auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

Atmosphère islamophobe

Il va sans dire que les derniers mois ont été propices à créer une atmosphère pour le moins islamophobe en France. Et c’est ce terreau fertile que les « cellules pensantes » de l’Elysée essayent aujourd’hui de mettre à profit… en toute « mauvaise foi » !

Lors de son passage sur la chaîne de télévision publique France 5, Emmanuel Macron a, sans sourciller, accusé la Turquie de vouloir tenter de s’ingérer dans les élections françaises. Suivi en cela par son « premier flic de France », Gérald Darmanin, qui déclarait au micro d’une radio locale : « Nous avons en tout cas un certain nombre d’indices très clairs qui montrent que le gouvernement turc (…) souhaite notamment s’ingérer dans les histoires françaises ».

Le ton est donné, le principal problème de la France au jour d’aujourd’hui, c’est « les indices » d’une « éventuelle » « ingérence turque » dans les élections de 2022.

Sinon ? Le chômage, la paupérisation, les délocalisations d’emplois en dehors du territoire français, la violence, le crime organisé, le trafic de drogues ?

Qu’en est-il de la covid-19, de la gestion de la pandémie, de la question des brevets de vaccins, de la gratuité des masques de protection ?

Poser ces questions-là aujourd’hui relèverait au mieux d’un endoctrinement islamo-gauchiste, ou au pire d’un humour noir malvenu dans une France où tout doit être plus blanc que blanc !

Ankara réagit

Les autorités turques n’ont pas manqué de réagir aux propos belliqueux de leurs homologues français, c’est ainsi que Hami Aksoy, porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères a déclaré que « la Turquie n’a d’autre préoccupation, en ce qui concerne la politique intérieure de la France, que la prospérité et le bonheur des près de 800 000 Turcs qui vivent dans ce pays ».

Omer Celik, porte-parole de l’AKP (Parti de la justice et du développement, au pouvoir), a également réagi aux propos du président français, s’interrogeant : « La démocratie française est-elle si fragile pour être mise à mal aussi facilement ? », avant de renchérir en déclarant que « ces affirmations sont une insulte pour le peuple français ».

L’interrogation du porte-parole du parti au pouvoir en Turquie renvoie simplement aux chiffres, aux statistiques qui indiquent que seuls 800 mille ressortissants turcs résident actuellement en France. Or si plus de la moitié sont en âge de voter, rien ne prouve qu’ils seraient sensibles à une quelconque consigne de vote d’Erdogan ! La Turquie demeure une démocratie, n’en déplaise aux panégyristes de « Macron 1er ».

Si une moitié de ces hypothétiques électeurs décidait de prendre part aux élections de 2022, et de voter contre Emmanuel Macron, simple hypothèse, cela reviendrait à dire que l’actuel locataire de l’Elysée est en train de s’inventer une « affaire d’Etat » pour quelque 250 mille voix sur les 47 millions d’inscrits sur les listes électorales (2017).

S’il est légitime de s’interroger sur la manière dont la Turquie compterait, selon les dires de Macron, s’ingérer dans les élections de 2022, les consignes de vote seraient donc une option à écarter, n’étant pas garantie et encore moins viable.

Il reste, cela dit, le recours à ce qu’on serait tenté de baptiser « la doctrine Obama », à savoir d’appeler publiquement à voter contre Emmanuel Macron, de la même façon que l’ancien président américain avait appelé à voter pour l’actuel président français en 2017.

Or, si les autorités turques accordent une importance certaines à la vie politique de leurs voisins et de leurs alliés, il y a fort à parier qu’elles auront, lors des élections françaises de 2022, des dossiers autrement plus importants à gérer, tant sur le plan interne qu’en termes de relations internationales.

Mourad Belhaj

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