Depuis quelques années, la communauté turque de France est dans la tourmente avec des accusations de communautarisme de la part des médias mais aussi des politiques.
Nul doute que l’expression « tête de turc » n’a jamais été aussi vérifiable. Depuis quelques années, au vu du nombre d’articles, de reportages, des programmes télévisés et des interventions politiques, les turcs sont devenus la communauté à détester même si pour l’instant les musulmans en général sont encore sur le haut du podium.
Mais qu’est ce qui fait que cette communauté qui était montré du doigt pour son exemplarité d’intégration, pour sa force économique et sa contribution sociale soit devenue l’ennemie de la République ?
Samedi, 27 février, le journal Le Figaro publiait une série d’articles à charge contre les turcs de France. « Pour les jeunes franco-turcs, la tentation Erdogan – Enquête » ou encore « À Flers, le nationalisme turc à la sauce normande – Reportage » pouvait-on lire par exemple.
Avant cela, nous avions eu droit à un remake dans le Journal du Dimanche (JDD) des accusations déjà publiées auparavant par d’autres médias comme Le Point, L’Express ou le Nouvel Obs. Contrairement à ce que voulait faire croire le JDD, cette enquête n’avait rien d’exclusive mais juste une répétition des mensonges sur la Turquie.
Une turcophobie irrationnelle
Ce qui est frappant dans cette situation, c’est que cette turcophobie s’est transformée au fil du temps en une haine irrationnelle. Pourtant, cela n’était pas toujours ainsi. Par exemple, en 2008 pour gagner contre la gauche, la candidate de l’UMP à Strasbourg, Fabienne Keller n’avait pas hésité à « convoquer » les associations turques pour leur promettre monts et merveilles comme d’autres cadres de l’UMP dans d’autres villes.
A cette époque, ces responsables politiques voulaient récupérer les voix des franco-turcs qui votaient majoritairement à gauche.
Mais au fil du temps, la gauche a trahi ses valeurs en se tournant vers la droite. Quant à son aile ultra-droite, elle, s’est éloigné des classes populaires pour viser des voix encore plus à droite. Il ne faut pas oublier que la loi sur les signes religieux à l’école émane d’un gouvernement de gauche.
Les turcs de France
Il faut savoir que les premiers turcs de France sont arrivés dans les années 70 en tant que travailleurs légaux bon marché afin d’aider la France à se développer. Au fil du temps, ils se sont installés définitivement. Ils ont construit des mosquées, ont créée des entreprises. Quoi qu’en pensent les identitaires et xénophobes, cette communauté turque de France ne pose pratiquement jamais de problèmes à part quelques fait divers particuliers.
Par exemple, il y’a eu beaucoup moins de condamnation de turcs que de membres du PKK qui rackettent les kurdes ou qui organisent le trafic de drogue en Europe pour financer son terrorisme.
Les accusations envers les turcs de France
Le PKK étant né en 1984, le regard des turcs envers cette organisation n’a pas évolué avec l’arrivée d’Erdogan au pouvoir. Pour les médias français, les turcs sont devenus obsédés par les kurdes à cause d’Erdogan. Pourtant, même pour les membres du Parti Républicain du Peuple (CHP), parti kémaliste et laïc, y compris en France, cette organisation représente le terrorisme. Alors faire croire que les turcs pro-AKP n’aiment pas les kurdes c’est d’une part amalgamer les kurdes et le PKK mais aussi faire croire que tous les kurdes soutiennent cette organisation terroriste.
Là où cela devient extraordinaire est que les médias et les politiques français accusent les turcs d’être hostiles à une organisation terroriste. Ainsi, la France qui considère le PKK comme une organisation terroriste, laisse une grande liberté à ses membres parce qu’ils n’attaquent pas la France. On introduit ainsi la notion de « bons terroristes ».
Par ailleurs, la question arménienne revient souvent sur la table. Sans revenir sur les débats éternels, les médias font croire que la communauté turque de France a forgé son opinion après l’arrivée d’Erdogan sur la question arménienne. Comment peut-on croire un seul instant qu’un Président pourrait faire changer d’avis à tout un peuple ? Peut-on dire que la majorité des français penserait que la France a eu un rôle horrible lors de la colonisation si Macron en décidait ainsi ?
L’unilatéralisme occidental
Les turcs de France ou d’ailleurs n’acceptent pas l’unilatéralisme des occidentaux qui consiste à faire croire qu’ils sont les seuls responsables. Le pays n’a jamais nié la tragédie turco-arménienne mais nous avons tous eu des témoignages de nos grands parents qui ont subi les atrocités de la part des milices arméniennes.
Faut-il rappeler que 1915 c’est en pleine guerre mondiale et que les arméniens de l’Empire Ottoman n’étaient pas du côté Ottoman ? Aujourd’hui, ceux qui accusent les turcs de regarder des chaînes turques soutenaient les arméniens de l’époque à se révolter contre leur pays. Ce paradoxe n’est pas le seul chez les français.
Le communautarisme français
Les turcs de France sont souvent accusés de communautarisme et les preuves avancées sont l’exemple parfait d’une hypocrisie française. Ainsi, par exemple, le fait d’apprendre le turc ou l’histoire de la Turquie sont des délits impardonnables aux yeux de certains.
Pourtant, toutes les accusations portées à l’encontre des turcs sont pratiquées beaucoup plus largement par les français à l’étranger et notamment ceux de Turquie.
A titre d’exemple, la France ne veut pas/plus d’enseignants non-francophones dans les écoles françaises, et ce même pour enseigner les bases de la langue turque. Par conséquent la suppression des cours de turc en France n’est qu’une question de temps. Néanmoins, cela ne dérange aucun français que des enseignants francophones qui sont en Turquie depuis plus de 10 ans savent à peine dire « bonjour ». Ils veulent ainsi imposer le français aux turcs mais ces derniers ne doivent pas imposer la même chose aux français.
Les écoles françaises dans le monde
Faut-il rappeler que la France est le pays qui a le plus d’écoles publiques dans le monde et qu’elle est fière de sa « francophonie » ? En Turquie, outre les écoles privées, deux écoles rattachées directement à la République Française avec le programme scolaire français fonctionnent depuis des années.
Pourtant en France, il n’existe aucune école rattachée directement à l’état turc et surtout avec le programme scolaire turc. Alors que la France refuse que les élèves d’origine turque apprennent leur histoire, la France enseigne aux élèves français de Turquie l’Histoire de la France, quitte à ce que parfois cela soit contraire aux valeurs de la République de la Turquie.
Ainsi, les élèves ont droit à des cours sur le prétendu génocide arménien. Imaginez en France qu’une école privée turque enseigne « le massacre des algériens par la France ». Aussitôt, l’école sera accusée de séparatisme et une fermeture administrative sera prononcée pour un extincteur mal positionné.
Un autre exemple frappant est l’application de la laïcité stricte. En Turquie il est désormais interdit de discriminer qui que ce soit dans les écoles pour les signes religieux. Pourtant l’école française refuse, qui plus est dans un pays musulman, le voile aux filles mais aussi au personnel éducatif ainsi qu’aux femmes de ménage.
Les insultes envers les valeurs de la République
Récemment les élèves de Pierre Loti, appartenant à la France, ont reçu un cours qui insulte ouvertement les valeurs de la majorité des turcs. Comme on pouvait s’y attendre, les turcs à majorité musulmane sont présentés comme des oppresseurs, qui obligent les femmes à porter le voile et les jeunes sont sous pression des grands. Tous les stéréotypes sont inclus dans ce cours qui attise la haine envers les citoyens musulmans et donc les turcs.
Force est de constater que les pires communautaristes sont quand même les français. Alors qu’ils vivent depuis des années en Turquie, pratiquement aucun d’entre eux n’a entrepris des démarches pour obtenir la nationalité turque, pourtant beaucoup plus simple à obtenir.
Ceux qui font du commerce en Turquie, proposent des produits à destination des français installés en Turquie ou viennent pour le tourisme. D’ailleurs aucun d’entre eux n’a changé de prénom et beaucoup de questions sur les forums franco-turcs concernent les chaînes françaises. « Comment regarder ces chaines ?» est la priorité des patriotes français qui ont voté majoritairement pour Macron. Doit-on déduire que ces français de Turquie sont des agents infiltrés de Macron ?
L’hostilité des députés au président de la Turquie
D’ailleurs, tous les partis politiques français ont des représentants locaux et mènent des campagnes politiques lors des élections. D’autant plus que Meyer Habib, élu de la circonscription dont la Turquie fait partie, n’hésite pas à envoyer des mails hostiles au président d’une république indépendante, à l’attention des français de Turquie.
En conclusion, ce qui dérange plus dans la communauté turque, c’est le fait qu’ils aient voté pour un président qui défend les intérêts de son pays. Evidemment ces intérêts rentrent en conflit avec ceux de la France, d’où cette chasse à l’homme qu’on observe depuis un certain temps.
Malgré tout, en France la communauté turque reste une communauté bien docile, bien intégrée, même si certains font croire que changer de prénom est chose rare.
Il faut rappeler que les deux pays ont été alliés depuis plus de 500 ans et que les positions extrêmes pris par certains, notamment des ministres, ne doit pas gêner cette alliance. Quand un président de la République promet de chasser le communautarisme montrant du doigt expressément la communauté turque, il est naturel que les turcs de France se sentent stigmatisés pour des enjeux politiques qui les dépassent.