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La loi sur le séparatisme vise uniquement les musulmans – 1

le séparatisme contre les musulmans

Alors que le président français Emmanuel Macron a annoncé le 2 octobre les grandes lignes de sa future loi sur le « séparatisme » contre les musulmans rebaptisée depuis « projet de loi renforçant la laïcité et les principes républicains», plusieurs personnalités, dont Dominique Vidal-Sephiha, s’indignent du caractère islamophobe de la loi.

En effet, dans un entretien accordé à Anadolu Agency (AA), le journaliste et historien Dominique Vidal-Sephiha se dit « très surpris et choqué qu’en pleine épidémie du Covid, avec les conséquences sanitaires et économiques terribles qu’elle entraîne, le président de la République ne trouve pas mieux à faire que d’alimenter l’islamophobie ».

D’ailleurs, le journaliste « rappelle que l’incompétence des autorités – qui ont été incapables de tester la population, de confiner les personnes malades et de masquer celles qui ne le sont pas – porte une responsabilité écrasante dans cette tragédie humaine ; autour de 40 000 morts, et sociales ; un PIB en recul de 10%, un million de chômeurs supplémentaires. Bref, au lieu de se concentrer sur les menaces qui pèsent sur la vie des Français, Emmanuel Macron se consacre à une opération politicienne visant – croit-il à prendre des voix à Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle prévue dans un an et demi ! ».

En deuxième lieu, le spécialiste du Proche-Orient constate « que cette opération marque un tournant dans l’orientation politique du pouvoir ». En effet, pour l’auteur du livre « L’État du monde 2021. Le Moyen-Orient et le monde », il ne fait aucun doute que cette loi vise uniquement les musulmans.

Le gouvernement cible les musulmans

Selon l’historien jusque-là, toutes les lois et mesures contre le « communautarisme » faisaient mine de viser l’ensemble des religions et toutes les associations cultuelles. Or, « pour la première fois, cette mobilisation contre le ‘séparatisme’ ne prend pas cette précaution et vise ouvertement les musulmans, qui est, rappelons-le, la deuxième en France par le nombre de ses fidèles », s’inquiète Vidal-Sephiha.

D’ailleurs, le journaliste voit dans ces nouvelles mesures « de plus en plus de racisme d’État ». D’après lui, « cette loi viole ouvertement la conception de la lutte antiraciste définie par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), qui insiste sur la nécessité de combattre tous les racismes sans les hiérarchiser et inclut explicitement depuis 2013 dans ce combat la lutte contre l’islamophobie ».

En outre, même si l’historien comprend « le contrôle démocratique des activités communautaires », cela lui pose un problème dans le fait que l’application ne vise uniquement que les musulmans.

« Pour être légitimes et légales, toutes les mesures envisagées dans le discours d’Emmanuel Macron devraient concerner toutes les communautés et toutes les religions, qu’il s’agisse des lieux de culte, des écoles, des salles de sports ou des associations, y compris en matière de financement », explique le spécialiste. Il attire ainsi l’attention sur le fait que « ces lois devraient aussi, cela va sans dire, ne pas violer les libertés garanties par la Constitution et les lois ».

Dominique Vidal-Sephiha

Les musulmans ont l’impression d’être la cible d’un jeu électoraliste

Depuis l’annonce des mesures par Emmanuel Macron, la grogne monte dans la communauté musulmane qui estime être la cible d’un jeu électoraliste.

Dominique Vidal-Sephiha partage aussi ce constat que « ce discours et ces mesures sont vécus par nombre de musulmans comme les ciblant au profit d’intérêts électoraux inavoués, mais évidents ». Pourtant, la crainte du journaliste est que ces mesures « menacent aussi les libertés de tous les citoyens ». D’ailleurs, il faut aussi rappeler que ce discours « n’engage pas que l’actuel président de la République : qu’en fera son successeur s’il est battu à la prochaine élection présidentielle ? », se demande-t-il.

La France n’est plus une démocratie pleine

Vidal-Sephiha s’inquiète d’autant plus « qu’après l’empilement de lois dites « antiterroristes » et au vu des violences auxquelles se livrent certaines forces de police, on peut se demander, avec la dernière opération présidentielle, s’il convient encore de qualifier la France de démocratie au plein sens du terme ?». À cette question qu’il se pose lui-même, il n’hésite pas à émettre des réserves quant à répondre par l’affirmative.

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Autres inquiétudes de sa part concernent « les extravagances de Marlène Schiappa ». Ainsi, il fustige l’attitude de la secrétaire d’État qui « ne communique pas combien de certificats de virginité ont été délivrés en France cette année ». Il trouve également inutile l’annonce sur la lutte contre la polygamie, en mettant en relation avec l’adultère. « Elle risque de mobiliser des centaines de milliers d’enquêteurs », estime-t-il.

Des lois d’exception

Le 26 septembre dernier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait reçu les membres du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) afin de les préparer aux annonces du président français. Néanmoins, le journal Libération avait révélé que lors de cette rencontre, le ministre avait averti « les représentants musulmans que ces lois ne devaient pas pénaliser les autres religions ».

D’ailleurs, le même journal annonçait que seule le CRIF soutenait ces mesures exceptionnelles contrairement aux représentants des cultes chrétiens.
Ainsi, Dominique Vidal-Sephiha ne s’étonne pas de la « position du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), dont il rappelle qu’il rassemble moins d’un Juif français sur dix, qui s’aligne en général sur le pouvoir ».

Il se souvient pourtant que le même CRIF avait dans le débat sur les « signes religieux ostensibles » à l’école, manifesté quelques inquiétudes concernant les signes juifs ». Mais aujourd’hui, il constate que cette loi de 2004 « dans la pratique l’a rassuré car elle ne concerne que les musulmanes ».

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A la question de savoir s’il ne craignait pas d’être taxé d’antisémite en exigeant l’application de la loi à toutes les religions, il balaye ces craintes d’un revers de main et affirme ne pas voir « en quoi il serait antisémite d’exiger que toute mesure visant l’islam concerne aussi le judaïsme et le christianisme. Surtout s’agissant des écoles, le nombre d’établissements catholiques et juifs étant bien plus important que celui des établissements musulmans », donc à priori plus concernés.

Fatih KARAKAYA

Source : Anadolu Agency