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Mondial 2018 : La France et le « beur » africain

A l’instar de l’édition 1998 de la Coupe du monde, les réactions traçant des intersections entre l’équipe de France de football et ses composantes africaines et musulmanes ne se sont pas fait attendre dès que les Bleus ont remporté leur deuxième sacre mondial.

Médias, instances religieuses, chercheurs, politiciens et citoyens lambda ne se sont pas retenus d’analyser, de commenter, de réagir, portés par une ambiance bon enfant suite à une victoire historique.

Seulement, l’ampleur n’était pas comparable, tellement les réseaux sociaux ont contribué à la diffusion virale des commentaires dans un laps de temps relativement court, ajoutant à l’aspect festif des ingrédients tantôt admiratifs, tantôt racistes ou encore instructifs et chargés d’enseignements.

L’équipe de France a permis, au fait, à beaucoup d’Africains de s’y retrouver dans le jeu mené par les Tricolores, après l’élimination des cinq équipes représentant l’espoir africain de faire « quelque chose » dans ce mondial.

Une victoire remportée en dépit d’une réalité assez paradoxale, marquée par un certain refus des migrants venant du sud et certaines attitudes pensant toujours «la France aux Français», nourries, certes d’événements tragiques ayant marqué l’histoire et les esprits, mais ô combien minuscules devant une performance triomphale de cette équipe de France pluri-identitaire.

Les nouveaux projets sur l’immigration et le droit d’asile en disent long à ce propos. Le nouveau «cadre» dans lequel Macron veut caser «l’islam de France», en est une autre illustration, bien que les détails ne soient pas encore ficelés.

Victoire, donc, synonyme de douche froide à toutes les tendances poussant vers les extrêmes et renouant avec une France plus ouverte et multiculturelle, telle celle d’avant la prolifération du phénomène terroriste.

C’est «la sixième équipe africaine» a considéré, par exemple, le journal burkinabè « Le Pays ».

Il y a «pas moins de 16 joueurs originaires d’Afrique, dont 2 du Maghreb (Adil Rami et Nabil Fakir)», a fait remarquer « Le Point Afrique ».

«Cette équipe, où il y a beaucoup de blacks, ne fait pas rigoler toute l’Europe mais suscite l’admiration et le respect du monde entier», a considéré le chercheur Pascal Boniface, résumant les multiples attitudes dont certaines admirent la différence, mais d’autres préfèrent un repli fait de phobie et de ségrégation.

Certains sont allés jusqu’à réfuter des emblèmes nationaux, à l’image de Julien Odoul, dirigeant du Front national qui a envoyé un tweet haineux à l’égard des Maghrébins et des Palestiniens.

«Les drapeaux algériens, tunisiens, marocains ou palestiniens n’ont pas leur place sur les Champs Elysées. Ceux qui veulent communautariser l’équipe de France n’ont qu’à célébrer leurs origines dans leur pays. Chez nous, c’est la Marseillaise et le drapeau tricolore !», a-t-il écrit sur sa page.

Plus objectif et moins impulsif, « Paris Match » a fait remarquer que : « La victoire de la France au Mondial 2018 est aussi une victoire pour le continent africain, dont sont originaires 14 joueurs, ce qui représente plus de la moitié de la sélection de Didier Deschamps ».

« Sur le terrain, parmi les onze joueurs de cette finale du Mondial, cinq sont d’origine africaine », a précisé le magazine, défendant la thèse du multiculturalisme, s’appuyant sur une déclaration ultérieure du sélectionneur français : «Ca a toujours été une richesse pour le football et les sports français».

Didier Deschamps, n’a aucun problème avec la couleur de ses joueurs ni avec leur religion, à l’exception, peut être du cas Benzema.

La sélection française, compte dans ses rangs, plusieurs joueurs de confession musulmane comme Paul Pogba, N’Golo Kanté, Moussa Sissoko, Djibril Sidibé, Benjamin Mendy ou Nabil Fekir.

Le journal « Libération » a commenté cette diversité dans son éditorial du lundi 16 juillet en affirmant que «Comme le principe d’efficacité emporte tout, il laisse les considérations sociales, ethniques, religieuses, non pas au vestiaire, mais hors des stades. On devine la devise implicite des entraîneurs : qu’il soit noir, jaune ou bleu, musulman, catholique ou bouddhiste, celui qui marque des buts est notre homme».

La photo d’une jeune fille voilée mettant un maquillage bleu blanc rouge sur les jours, drapeau de la France dans la main fut appréciée par le site d’information « ajib.fr ».

C’est ainsi dire que pour beaucoup de Français, l’équipe de France n’est autre que le reflet d’une société multiethnique et multiculturelle qui réussit avec, bien entendu, une grande question : cette diversité identitaire, donne-t-elle lieu à une égalité dans les droits ?

Sur cette victoire franco-africaine, un enseignant de l’université de Californie, Khaled Beydous, a saisi l’occasion pour émettre un message aussi élégant qu’engagé en écrivant sur son compte twitter :

«Chère France, félicitations pour la victoire #WorldCup. 80% de votre équipe est africaine, découpez le racisme et la xénophobie. 50% de votre équipe sont musulmans, découpez l’islamophobie. Les africains et les musulmans vous ont livré une deuxième coupe du monde, maintenant leur donner justice».

Dans cette même logique, la Grande mosquée de Paris a émis un message fédérateur en écrivant sur son site : « L’équipe de France a donné un bonheur immense à notre pays en remportant victorieusement ce dimanche 15 juillet la Coupe du Monde de football 2018. Nos félicitations à cette formidable jeune équipe forgée dans la solidarité et la fraternité portée par ses valeurs républicaines et citoyennes».

Dans son communiqué, signé Dalil Boubakeur, la Grande mosquée a espéré que : «puisse ce bel exemple historique d’unité nationale perdurer comme modèle contre tous les vents mauvais qui cherchent à diviser les Français qui ne sont plus forts que lorsqu’ils sont unis».

Source AA