Avec la série d’attentats qui a touché la France depuis 2015, notamment le très meurtrier attentat du Bataclan, la question du terrorisme et de la radicalisation est devenue une problématique récurrente. De nombreuses analyses divergentes sont produites sur ces questions, mais les experts s’accordent à dire en général qu’il s’agit d’un phénomène en constante mutation.
Ce phénomène qui touche la France sur le plan national, avec certains éléments relevant d’une réalité locale, reste avant tout un phénomène global et transnational. La France ne peut pas trouver des solutions à cette problématique sans avoir une vision globale et internationale, intégrant des acteurs pluriels dans l’élaboration de potentielles solutions.
En effet, la problématique du terrorisme pose des questions sur le plan légal, moral, politique, sécuritaire, philosophique, démocratique, religieux, sociologique, économique et aussi géopolitique. Il s’agit donc d’un problème très complexe qu’on ne peut pas aborder uniquement sur la base d’un prisme monolithique.
Il est difficile en France de débattre rationnellement de ces sujets, tellement la passion est forte, du fait du traumatisme créé par les différents attentats. Le procès du frère de Mohamed Merah début novembre, comme celui de Jawad Bendaoud qui s’est ouvert mercredi, nous rappellent la tension énorme qui existe actuellement.
La France avait d’ailleurs informé le Conseil de l’Europe en novembre 2015, à la suite des attentats, qu’elle dérogerait à la Convention Européenne des Droits de l’homme. Certains parlent même de rétablir la peine de mort.
Mardi matin sur la radio française RTL, le procureur de Paris, François Molins, est revenu sur cette question en évoquant une mutation de la menace terroriste, attestant donc de la complexité du problème. En citant l’exemple d’un homme de 33 ans arrêté samedi dernier dans le Gard, soupçonné de préparer un attentat, qui était inconnu des services de renseignement, le Procureur a mis en exergue la difficulté face à cette nouvelle réalité de personnes représentant potentiellement une menace mais qui ne figurent pas dans les fiches et les dossiers des renseignements.
Les personnes souhaitant commettre des attentats ne sont pas forcément allées en Syrie, et n’ont pas nécessairement d’antécédents ayant engendrés un soupçon des services de Police. François Molins l’exprime en disant que la menace « reste très élevée mais elle est plus diffuse. Elle ne vient plus de l’extérieur mais de l’intérieur, et de gens pas connus des services de renseignements ».
Autre élément mis en avant par le Procureur de Paris à propos de la mutation de la menace, la déstructuration de Daech, engendrée par ses énormes défaites militaires et ses pertes territoriales en Irak et en Syrie, a créé un changement de stratégie.
Désormais les partisans étrangers de l’organisation terroriste ne sont plus appelés à venir combattre en Syrie ou en Irak mais plutôt à rester chez eux pour effectuer des attaques sur leur propre sol. Il rappelle qu’il n’y a plus vraiment de filière d’acheminement vers l’Irak ou la Syrie désormais.
Effectivement, c’est plutôt la problématique inverse qui se pose aujourd’hui, à savoir celle du retour de ces terroristes partis en Syrie ou en Irak, ainsi que celui de leurs enfants nés la bas. Le cas de Margot, femme d’un combattant de Daech, qui dans une interview reprise par la télévision publique France 2 avait demandée à pouvoir rentrer en France avec ses enfants, avait créé un débat politico-médiatique passionné en France ou la réflexion rationnelle était pratiquement absente.
À titre d’exemple, le député Christian Jacob (droite), sur la chaine parlementaire LCP, avait trouvé scandaleux que l’interview de Margot soit diffusée par France 2, comme si cela donnait du crédit à ses dires, ce fut aussi la réaction de nombreuses personnes en France.
Margot comme d’autres dans sa situation savent qu’ils risquent la peine de mort s’ils sont jugés en Irak ou en Syrie, c’est pour cela notamment qu’ils espèrent être jugés en France où la peine de mort n’existe plus. Des familles de personnes impliquées dans Daech avaient d’ailleurs écrit au Chef de l’Etat, Emmanuel Macron, pour envisager une solution.
Ce dernier avait répondu à France 2, le 8 novembre, en marge de sa visite à Abou Dhabi, que ce sera du cas par cas. À savoir que certains pourront être rapatriés et juger en France, alors que d’autres seront jugés sur place en Irak.
La réponse du chef de l’Etat avait été jugée « irresponsable » par certaines familles, comme l’avait exprimé aux médias français Amine Elbahi, frère d’une jeune fille partie en Syrie, affirmant notamment que « les enfants sont innocents ».
Le problème est effectivement très compliqué, dans la mesure où les enfants ne sont pas responsables des actes de leurs parents et peuvent se voir infligés une double peine en se voyant refusés le rapatriement en France.
De l’autre, certains considèrent que la responsabilité incombe uniquement aux parents, et que l’Etat français n’a pas à en supporter les conséquences, en sachant qu’une partie des enfants, du fait de ce qu’ils ont vécu en Syrie et en Irak pourraient présenter des troubles psychiatriques. La question se pose aussi sur le plan légal, quel est le statut juridique de ces enfants ?
Le politologue Olivier Roy évoque dans son livre « Le Djihad et le Mort » le profil des jeunes français qui rejoignent Daech.
Il rappelle qu’ils sont, pour la plupart, des individus instables et marginaux ayant parfois des parcours familiaux chaotiques et ont pu trouvé chez Daech un idéal nihiliste donnant sens à leur vie par leur propre mort. Cela nous rappelle que, pour lutter contre la radicalisation ,il faut aussi lutter contre la marginalisation sociale et offrir des alternatives à des gens perdus et désorientés.
Entre la passion naturelle qui agite ces débats et la rationalité nécessaire pour trouver des réponses à ces problématiques, les discussions sur le sujet en France n’ont pas fini d’animer l’actualité et la gravité du phénomène obligera les acteurs publics à apporter des réponses concrètes.
Yannis Mahil
Source AA