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Les lois antiterroristes remise en cause

La France a été, une nouvelle fois, frappée par une attaque terroriste, vendredi dernier, qui a fait 4 morts, dont un gendarme. Se revendiquant de Daesh, Redouane Lakdim, qui s’était retranché dans un supermarché de Trèbes (sud-est), a pris en otage une dizaine de personnes.

Auparavant, l’assaillant âgé de 26 ans, a d’abord tué le passager d’une voiture -et gravement blessé le conducteur- avant de prendre pour cible des policiers qui faisaient un footing, blessant l’un d’entre eux à l’épaule, avant d’être abattu par les forces de l’ordre.

Après l’émotion des premières heures, les médias français s’interrogent désormais sur l’efficacité de la nouvelle loi antiterroriste, entrée en vigueur le 1er novembre 2017, se substituant au régime de l’état d’urgence mis en place après les attentats de novembre 2015.

L’objectif affirmé de ce texte était de mettre fin à l’état d’urgence, tout en répondant aux impératifs de la sécurité. Une nouvelle loi avait été promulguée. Cette loi antiterroriste, permettant d’étendre les mesures de l’état d’urgence « en situation normale » était censée apporter plus de sûreté, comme l’avait défendu le gouvernement à l’époque.

Dans ce sens, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, s’était félicité d’avoir déjoué deux projets d’attentats depuis début janvier, l’un visant un grand équipement sportif et l’autre contre des militaires de l’opération Sentinelle lancée en janvier 2015.

Or, les attaques de Carcassonne et Trèbes par Radouane Lakdim, ont relancé le débat sur l’efficacité de la lutte antiterroriste. En effet, selon les médias locaux, le terroriste avait été condamné, en mars 2015, à un mois d’emprisonnement pour usage de stupéfiants et refus d’obtempérer et il était connu de la justice pour d’autres délits mineurs.

Mais le débat s’est focalisé sur le fait que ce terroriste était également fiché S (pour sécurité) par les renseignements généraux. Toujours d’après les médias français, il avait été repéré et suivi entre 2016 et 2017 à la suite de ses activités sur les réseaux sociaux et pour sa proximité avec des mouvements salafistes.

Mais, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) avait jugé que « sa radicalisation ne présentait pas de risque » et sa surveillance aurait dès lors été stoppée.

Des révélations qui ont amené à un mouvement de protestations et de revendications de la part de plusieurs personnalités politiques.

C’est ainsi que depuis plusieurs jours, une partie de l’opposition, notamment les Républicains (LR, droite) et l’extrême droite, attaquent le gouvernement en l’accusant de « laxisme ».

Plusieurs responsables de cette tendance politique ont appelé, via les réseaux sociaux, le chef de l’État à réagir «rapidement et de manière forte».

Ainsi, Laurent Wauquiez, nouveau dirigeant des LR, a rappelé, sur son compte twitter, qu’ils « avaient fait une proposition de loi en novembre 2017 » au sujet des fichés S. En effet, «Les Républicains» avaient soumis une proposition de loi permettant « l’expulsion immédiate de tous les fichés S, des complices ou des suspects d’activités terroristes ». Le chef de file des Républicains a même souhaité « un retour à l’état d’urgence » lors des débats à l’Assemblé Nationale.

Ces mesures avaient été volontairement mises de côté, le gouvernement ayant craint une censure du Conseil Constitutionnel. Mais la déchéance de la nationalité et l’expulsion des étrangers, qui commettent des délits, reviennent régulièrement dans les débats politiques.

D’autre part, Steeve Briois, maire d’Hénin Beaumont (Nord), comme de nombreux autres maires, réclament la liste des Fichés S.

« Comme @jsanchez_fn et @david_rachline, je demande au ministre de l’Intérieur, au nom de la sécurité de nos compatriotes, de me fournir la liste des fichés S islamistes résidant dans ma commune. Les Maires ont le droit de savoir pour prévenir et agir ! », pouvait-on lire sur son compte twitter juste après l’attentat de Trèbes.

De même, l’ex-ministre de l’intérieur et ex-Premier ministre, Manuel Valls, n’a pas manqué l’occasion de réagir sur twitter. Il est allé plus loin encore, en déclarant « qu’il fallait prendre un acte politique fort à caractère symbolique, en interdisant le salafisme et en désignant l’Islam politique comme notre adversaire ».

Cependant, d’après Romain Caillet, spécialiste des courants djihadistes et salafistes : « En France, les seuls à se revendiquer ouvertement ‘salafistes’ sont les salafistes quiétistes, c’est donc ce courant qui sera la principale cible d’une ‘interdiction du salafisme’ dans l’Hexagone ».

Caillet, qui s’est confié au correspondant Anadolu, la proposition de Manuel Valls « va dans le sens des attentes d’une partie de l’opinion publique française ».

Toujours selon Romain Caillet, ces salafistes qui pratiquent un islam rigoriste sont « pourtant opposés aux djihadistes » et dans ce cas, « l’interdiction de ce courant salafiste n’aura pas d’impact sur la question sécuritaire », a-t-il encore estimé.

Pour l’instant, les gouvernements précédents ont catégoriquement refusé de rendre ces fiches S publiques et de prendre des mesures automatiques.

Lors d’un débat tenu, mardi, à l’Assemblé Nationale, le Premier ministre, Edouard Philippe a dénoncé une « méconnaissance profonde » (de l’opposition) de « nos outils de renseignement avant d’expliquer que « la fiche S est un outil de police, un outil de vigilance qui permet d’accumuler des renseignements sur une personne, précisément pour lever le doute. Elle n’est pas un élément de preuve. », a-t-il insisté.

Face à ces critiques, le président Français Emmanuel Macron, n’a pas encore réagi mais semble vouloir avancer dans ce sens. En effet, à l’issue du conseil restreint de défense qui s’est tenu samedi, Macron a fait savoir qu’il convoquerait prochainement, à l’Elysée, tous les groupes départementaux chargés du suivi des personnes radicalisées.

De nouvelles mesures pourraient prochainement être proposées afin de satisfaire une partie de l’opinion publique qui voit un lien entre immigration et terrorisme, et pensent que tous les fichés S (estimés entre 12 000 et 16 000 individus) sont dangereux.

« On ne peut pas surveiller autant de personnes, ce n’est pas possible. Nous n’avons pas de véritable solution, notamment dans un Etat de droit comme le notre », affirmait dimanche sur la radio «Europe 1», le général Bertrand Soubelet, ancien numéro trois de la gendarmerie nationale.

En tout état de cause, quelles que soient les mesures prises, le débat semble inéluctable tant que la menace terroriste demeurera sur le territoire.

Fatih KARAKAYA
Source AA