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Quand les abstentionnistes mettent en danger la légitimité démocratique en France

France élections abstentionnistes

Aujourd’hui, les citoyens français sont à nouveau appelés à voter pour le second tour des élections régionales et départementales.

Mais au-delà des résultats au premier tour, du parti présidentiel la République en Marche (LREM) qui a été largement en dessous des attentes avec à peine un peu plus de 10%, ce sont les abstentionnistes qui ont attiré tous les regards.

Depuis quelques années, on assiste en France à un phénomène de rejet de tous les projets politiques qu’ils viennent de la gauche ou de la droite.

Même les électeurs des partis extrêmes, pourtant beaucoup mieux organisés et plus mobilisés, semblent bouder les urnes.

Et comme à chaque fois, la classe politique semble s’émouvoir en appelant à un sursaut républicain sans jamais pour autant se remettre en cause en changeant radicalement de comportement.

La démocratie en danger

Il faut se rappeler que la base d’une démocratie républicaine est d’abord ses électeurs qui votent et qui donnent mandat à des représentants pour gouverner, agir et réaliser des actions qui contribuent au bien-être de la société.

Mais en l’absence de sa matière première, la légitimité du système politique disparaît. Il arrive aujourd’hui que des présidents soient élus seulement avec 25% des 78% des électeurs qui se sont déplacés. Il ne faut tromper personne. Le score du second tour n’a aucune valeur tellement les citoyens sont mis devant des faits accomplis en jouant sur la peur et en rejetant un parti pourtant légal.

C’est ainsi que les citoyens votent non pas par conviction mais pour faire barrage à des personnalités jugées infréquentables par des « maîtres bien-pensants ».

Il est clair que cela peut marcher une ou deux fois, mais à force de crier « aux loups », cela devient banal et ne convainc plus personne.

Il est aussi à noter que le langage des médias a bien changé depuis. On assiste à une banalisation du discours haineux dans tous les partis y compris à gauche sur les immigrés, les musulmans, les Africains c’est-à-dire « l’étranger » en général.

D’ailleurs, ce discours de faire barrage à l’extrême droite est tellement périmé que la candidate de « la droite républicaine » en région parisienne, Valérie Pécresse a désigné, mardi dernier sur France Inter, la gauche comme le « nouvel ennemi de la République ».

Expliquant qu’elle était le « seul rempart contre cette gauche extrême », comprenez les écologistes, les socialistes et les insoumis, Pécresse a ajouté que « voter pour eux c’était voter contre la République ».

Le nouveau pouvoir des abstentionnistes

Désormais il est de notoriété publique que la première force politique en France c’est les abstentionnistes. Mais cette notoriété n’est que symbolique puisque ni le vote blanc ni l’abstentionnisme n’ont de poids réel. Malgré sa promesse électorale lors de la campagne présidentielle en 2017, le Président Macron n’a jamais tenu sa promesse de tenir compte des votes blancs.

Cet abstentionnisme devient d’ailleurs si fort qu’il est impossible pour les mairies de trouver des bénévoles pour tenir des bureaux de vote. Lors du premier tour, plusieurs bureaux de vote ont dû ouvrir tardivement faute d’assesseurs.

Et en ce jour du nouveau scrutin, des mairies ont dû remuer ciel et terrer pour trouver des assesseurs afin d’aider les citoyens à voter et surtout pour compter les voix.

Dans une grande démocratie comme la France, ne pas trouver des citoyens suffisamment engagés pour une journée met en danger toutes les institutions démocratiques.

Il faut agir avant qu’il soit trop tard

Mais comment continuer à demander à des électeurs de s’engager alors que celles et ceux qui le font se font humilier publiquement. Je pense notamment à Rachida Kabbouri, présidente d’un bureau de vote à Vitry-sur-Seine, contrainte, dimanche, au premier tour des élections régionales et départementales, d’abandonner sa fonction pour devenir simple assesseur, après des plaintes d’électeurs qui lui reprochaient le port d’un foulard à la demande de la préfète.

Ainsi, la subordonnée du ministre de l’Intérieur rejette une femme voilée au nom de la neutralité alors qu’elle n’est pas fonctionnaire. Aucune loi n’oblige les électeurs ni les responsables du bureau de vote à être neutre.

Pourtant, cette femme a subi cette humiliation et on attend que d’autres s’engagent politiquement ? La classe politique s’éloigne de plus en plus des préoccupations de la population. En revanche, elle se rapproche de la bande « printemps républicain », ce troupeau qui « veut sauver la France de l’immigration et de l’islamisation ».

A force de jouer à ce jeu, il ne restera plus que quelques illuminés pour aller voter dans des simulacres d’élections.

Avant qu’il soit trop tard, les responsables de tous bords doivent réagir et arrêter de faire semblant qu’ils « pleurent » le désintérêt des Français à la politique. Ils pourront par exemple arrêter de rejeter la faute sur les citoyens ou de dénigrer des adversaires sur des sujets populistes qui poussent à la haine d’une catégorie de la population.

Dans le cas contraire, cela donnera encore plus de poids aux militaires qui menacent de guerre civile et les 350 euros proposés par certaines mairies ne suffiront pas à attirer des citoyens engagés.

Fatih KARAKAYA