L’Arabie saoudite a rejeté les menaces de représailles pour la disparition et le meurtre présumé du journaliste Jamal Kashoggi à Istanbul, affirmant que le royaume réagirait contre toute sanction avec «une plus grande action», a déclaré son agence de presse officielle.
Les propos de dimanche sont intervenus après que le président américain Donald Trump ait menacé de « punir sévèrement » Riyad si le journaliste Kashoggi, éminent critique des autorités saoudiennes et résident légal des États-Unis, avait été tué au consulat d’Arabie saoudite le 2 octobre.
Dans un extrait d’une interview accordée à CBS publiée samedi, Trump a déclaré qu’il ne voulait pas bloquer les ventes militaires vers l’Arabie saoudite, qui rapporte un pognon de dingue aux sous-traitants américains de la défense, mais qu’il « existe d’autres moyens de sanctionner ».
Comment osez-vous penser sanctionner Riyad ?
L’agence de presse saoudienne a cité dimanche une source gouvernementale non nommée qui aurait déclaré:
«Le Royaume affirme son rejet total de toute menace et toute tentative de la saper, que ce soit en menaçant d’imposer des sanctions économiques, en utilisant des pressions politiques ou en répétant de fausses accusations …»
«Le Royaume a également affirmé que s’il recevait une action quelconque, il réagirait par une action plus importante et que son économie avait un rôle influent et vital dans l’économie mondiale …», a ajouté la source sans plus de précision.
Face à la peur des investisseurs, la menace a fait perdre dimanche jusqu’à 33 milliards de dollars de la valeur du marché du plus grand exportateur de pétrole au monde, un des premiers signes de la crise économique que Riyad pourrait subir lors de cette affaire.
Dans un article publié dimanche à Al Arabiya, Turki Aldakhil, directeur général de la chaîne de télévision Al Arabiya et proche du prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman, a déclaré: « les cercles décisionnels au sein du royaume … ont débattu de plus de 30 contre-mesures potentielles à prendre contre d’éventuelles sanctions contre Riyad.
«Si des sanctions américaines sont imposées à l’Arabie saoudite, nous ferons face à un désastre économique qui secouerait le monde entier …»
«Si le prix du pétrole atteignant 80 dollars irritait le président Trump, personne ne devrait exclure que le prix atteigne 100 dollars, voire 200 dollars, voire le double de ce chiffre …»
«Tout cela jettera le Moyen-Orient, l’ensemble du monde musulman, dans les bras de l’Iran, qui se rapprochera de Washington.»
Aldakhil a également averti que Riyad se tournerait vers la Chine et la Russie pour son armement, ajoutant:
«La vérité est que si Washington impose des sanctions à Riyad, celui-ci poignardera sa propre économie en pensent poignarder Riyad!»
Un appel conjoint des autorités britanniques, françaises et allemandes
La Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne ont appelé dimanche les autorités saoudiennes et turques à mener une « enquête crédible » sur la disparition de Kashoggi, affirmant qu’elles traitaient cet incident avec «le plus grand sérieux».
Les ministres des affaires étrangères des trois pays dans une déclaration commune ont demandé ;
«Il faut une enquête crédible pour établir la vérité sur ce qui s’est passé et le cas échéant pour identifier les responsables de la disparition de Jamal Kashoggi et veiller à ce qu’ils soient tenus pour responsables. Nous encourageons les efforts conjugués saoudiens et turcs à cet égard et attendons du gouvernement saoudien qu’il fournisse une réponse complète et détaillée. »
Le ministre britannique des Affaires étrangères, Jeremy Hunt, le Français Jean-Yves Le Drian et l’Allemand Heiko Maas, ont déclaré ;
«Nous avons transmis ce message directement aux autorités saoudiennes. »
Dimanche dernier, la BBC a annoncé que le Royaume-Uni et les États-Unis envisageaient de boycotter une conférence soutenue par l’Arabie Saoudite qui se tiendra plus tard ce mois-ci à Riyad à la suite de la disparition de Khashoggi.
Comme par hasard les caméras de surveillance ne fonctionnaient pas
Les autorités turques ont affirmé avoir des preuves que le journaliste, critique de la politique de Ben Salman, avait été assassiné.
Des sources proches de l’enquête turque ont déclaré que Kashoggi avait été traîné hors du bureau du consul général à l’intérieur du consulat avant d’être brutalement assassiné par deux hommes qui l’avaient ensuite démembré.
Les autorités saoudiennes ont fermement démenti toute implication dans sa disparition et ont affirmé qu’il avait quitté le consulat peu de temps après son arrivée. Cependant, ils n’ont présenté aucune preuve corroborant leur affirmation et soutiennent que les caméras vidéo du consulat n’enregistraient pas à ce moment-là.