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Pourquoi Erdogan a-t-il appelé à des élections anticipées en Turquie?

Les élections surprises interviennent alors que l’état d’urgence, les soucis économiques et l’implication croissante de la Turquie dans la région se font sentir.

Les électeurs turcs sont invités à se rendre aux urnes le 24 juin 2018, dans le cadre des élections anticipées tenues dans un contexte d’état d’urgence et de baisse de la livre, ainsi que des alliances internationales changeantes et de la participation croissante de l’armée turque en Syrie.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a annoncé le scrutin anticipé mercredi, avançant de 18 mois les élections prévues. Le mouvement est intervenu un jour après que son principal allié, le leader du Parti du mouvement nationaliste, Devlet Bahceli, ait appelé à des élections rapides.

En avril 2017, un référendum constitutionnel remporté de justesse par le «oui» a transformé le système parlementaire turc en un système présidentiel exécutif.

Les changements constitutionnels adoptés lors du référendum donnent au nouveau président de nouveaux pouvoirs, tels que la nomination de vice-présidents, de ministres, de hauts fonctionnaires et de hauts magistrats. Ils permettent également au président de dissoudre le parlement, d’émettre des décrets exécutifs et d’imposer l’état d’urgence.

Dans son annonce, Erdogan, qui est aussi le chef du Parti de la Justice et du développement (AKP) au pouvoir, a souligné la nécessité d’avoir un président exécutif à un moment ou la Turquie fait face à des changements cruciaux.

Erdogan dans un discours télévisé, a déclaré ;

« Bien que le président et le gouvernement travaillent en harmonie autant que possible, à chaque étape, nous sommes confrontés aux maladies de l’ancien système. « 

Après sa rencontre avec Bahceli, qui dirige le Parti du mouvement nationaliste (MHP), il a ajouté ;

« Les développements en Syrie et ailleurs ont rendu critique le passage au nouveau système exécutif, afin que nous puissions de manière plus forte prendre des mesures pour l’avenir de notre pays. »

Fin janvier, les forces turques et les combattants de l’Armée Syrienne libre (ASL) ont lancé une opération militaire dans la région d’Afrin en Syrie pour déloger les terroristes du Yekîneyên Parastina Gel (YPG), branche syrienne du Partiya Karkerên Kurdistan (PKK) soutenue par les États-Unis.

Les États-Unis n’étant pas un allié fiable, la Turquie a travaillé avec l’Iran et la Russie pour mettre fin à la guerre syrienne, tandis que sa coopération avec Moscou s’est étendue dans de multiples domaines allant de l’énergie à la défense.

Après l’annonce de l’appel des élections anticipées, la livre turque, qui avait récemment connu une tendance rapide à la baisse, et le marché boursier se sont redressés.

Les élections étaient initialement prévues pour le 3 novembre 2019.

Économie, guerre en Syrie

Erdogan, qui a été au pouvoir pendant plus de 15 ans, soit en tant que Premier ministre ou président, a conduit la transition économique de la Turquie vers un marché émergent.

En 2001, un an avant son accession au poste de Premier ministre, le taux d’inflation turque s’élevait à 70%. L’année dernière, elle était à 12%.

Pourtant, des inquiétudes financières persistent, et plusieurs analystes ont décrit la décision d’Erdogan et Bahceli de faire des élections anticipées comme une mesure rationnelle visant à augmenter les chances de leur coalition de remporter les deux élections.

Etyen Mahcupyan, un analyste politique turc et ancien conseiller de l’ex-chef du Parti AKP, Ahmet Davutoglu, a déclaré que « les soucis économiques et la guerre en Syrie » étaient les principaux facteurs derrière cette décision.

« Les élections sont programmées pour une date aussi proche afin de ne pas laisser suffisamment de temps à de sérieux rivaux pour faire campagne contre Erdogan. »

Mahcupyan a ajouté ;

« Le MHP, qui soutient la présidence exécutive potentielle d’Erdogan, estime que les conditions d’une victoire seraient incertaines si les élections avaient lieu en 2019. Ils veulent aller aux urnes dans un climat plus favorable. »

Taha Akyol, analyste politique et chroniqueur, qui est d’accord avec cette analyse ajoute que la popularité potentielle du Parti de la droite (IYI) émergeant à également jouer un rôle majeur dans la décision.

Taha Akyol poursuit ;

« Les électeurs de l’AKP et du MHP sont tous les deux des cibles du Parti IYI,, donc plus tôt sera le mieux pour la coalition AK-Partie MHP afin d’augmenter les chances de victoire . »

Akyol a déclaré que les trois partis de l’opposition sont politiquement séparés l’un de l’autre, et qu’il est peu probable qu’ils réussissent à créer des alliances.

Cela, a-t-il noté, était un avantage pour l’AKP et le MHP.

« La croissance économique est là c’est certain, mais l’inflation, les taux d’intérêt et la parité turco-dollar restent élevées et, comme la plupart des autres régions du monde, la situation économique sera le facteur clé des élections, alors il ne voulait pas risquer de perdre cet avantage. « 

D’autres ont soutenu que la mesure avait été prise afin d’établir un gouvernement plus fort pour assurer la stabilité.

Hilal Kaplan, analyste politique et chroniqueur a déclaré ;

« Bahceli estime que depuis que les changements constitutionnels ont été adoptés lors du référendum, la Turquie a été gouvernée par un système de transition temporaire. « 

Elle poursuit ;

« Les élections vont mettre le pays sur la bonne voie avec un gouvernement présidentiel fort. » « L’objectif des prochains scrutins est d’établir une administration plus stable et plus forte face aux dures questions auxquelles la Turquie est confrontée, comme la situation en Syrie, les menaces terroristes sur le pays, comprenant le PKK et YPG, ainsi que le rôle croissant de la Turquie dans Région. »

Les partis d’opposition réagissent

Lors des dernières élections parlementaires en 2015, l’AKP a remporté une confortable majorité de 317 sièges au parlement comprenant aux totaux 550 sièges en obtenant ainsi 49,5% des voix. Erdogan a également remporté l’élection présidentielle de 2014 avec 51,79 % dès le premier tour.

Après l’annonce de mercredi, le Parti populaire républicain (CHP) de centre gauche a déclaré qu’il acceptait le défi.

Le porte-parole du CHP, Bulent Tezcan a déclaré ;

« Nous sommes prêts pour les élections, nous sommes prêts, comme si elles se tenaient demain. »

Mais Ayhan Bilgen, porte-parole du Parti démocratique populaire pro-kurde (HDP), a critiqué la décision du gouvernement et a déclaré qu’il n’y avait pas de raison valable pour des élections anticipées.

Ayhan Bilgen a également eu des spéculations quant à savoir si le parti IYI, qui a été fondée en octobre 2017, sera éligible pour participer aux élections. Le bureau électoral de la Turquie doit décider s’il remplit les conditions pour se présenter aux urnes.

En cas de refus de participer, le parti pourrait soit conclure des alliances avec d’autres forces politiques, doit se présenter avec des candidats indépendants aux élections générales. Il n’y a pas d’obstacle à ce que sa dirigeante Meral Aksener se présente à la présidence, à condition de recueillir 100 000 signatures pour soutenir sa candidature.

Aksener a déclaré mercredi que son parti n’avait aucun problème à participer aux élections, tout en annonçant qu’elle envisageait d’entrer dans la course présidentielle.

FTU