Juste après la tentative du coup d’Etat du 24 août 2016, la Turquie lançait l’Opération « Bouclier de l’Euphrate » en collaboration avec l’Armée Libre Syrienne (ASL) comme pour démontrer que son armée turque disposait toujours des capacités à mener des opérations.
Cette opération avait commencé par la prise de la ville de Jarablus, auparavant aux mains de Daech. Bien que la Turquie fasse partie de l’OTAN, aucun allié de la Turquie n’avait pris part directement aux opérations.
Dans une interview accordée à la chaîne de télévision privée turque « NTV », le 29 mars dernier, le Premier Ministre Binali Yildirim a solennellement annoncé que l’opération avait été qualifiée de « succès » par le Conseil National de Sécurité et qu’elle prenait fin officiellement à ce jour.
Binali Yildirim a expliqué que l’opération avait atteint son objectif qui était la prise de la Ville de Al-Bab. Ainsi, Yildirim a indiqué que 2015 km² ont été nettoyés des terroristes de Daech mais aussi du PYD, branche syrienne du PKK.
« Désormais, ce territoire est contrôlé par l’ASL et des milliers de Syriens y sont retournés pour vivre en paix », a indiqué le Premier Ministre.
Par ailleurs, il a fait savoir que la Turquie n’excluait pas de recourir à d’autres opérations avec des noms différents. Certains médias turcs ont évoqué alors le nom de « Javelot de l’Euphrate » qui pourrait débuter si « certaines conditions seront réunies ».
Dans une conférence de presse, le porte-parole de la présidence de la République, Ibrahim Kalin, avait alors affirmé que « la légende selon laquelle seules les forces kurdes pouvaient combattre Daech s’était effondrée. »
Il a expliqué aux journalistes que la réorganisation de la région était en cours et qu’il ne fallait pas en déduire « que la Turquie allait être insensible aux problèmes de sécurité de la région. »
Le spécialiste de la politique et des relations internationales et maître de conférences à l’Université Hasan Kalyoncu, Ali Serdar Erdumaz, a estimé, pour sa part, à la chaîne privée « A Haber » que la Turquie avait réussi son opération « Bouclier de l’Euphrate ». « Non seulement, elle a éliminé les groupes terroristes de ses frontières mais a aussi reconstruit les villes détruites par le terrorisme. », a-t-il poursuivi. Pour lui, l’objectif était justement de procéder à ce nettoyage le long de la frontière turco-syrienne.
De son côté, Turgay Aldemir, président de la « Plateforme d’Anatolie » a expliqué que lors de sa participation à une conférence sur l’organisation d’aide humanitaire pour la région, au Qatar, il avait perçu de très bons échos sur l’opération. Ainsi, dit-il « la plupart des participants ont félicité la Turquie qui, contrairement, à d’autres pays n’a pas mis à feu et à sang la région sous prétexte de se débarrasser des terroristes. La Turquie a fait ce qu’elle devait faire et a apporté la paix dans les territoires concernés »
Vers une opération « Javelot de l’Euphrate »?
Après que le Premier Ministre Binali Yildirim a évoqué la possibilité de lancer une autre opération, plusieurs spécialistes évoquent des théories pour la suite.
Pour sa part, le journaliste Gungor Mengi, du journal Vatan, estime que l’opération s’est arrêtée car « non seulement les Américains mais aussi les Russes ont pris sous protection le PYD. Ainsi, ils ont fait savoir à la Turquie que si elle s’en prenait au PYD, elle risquait également de s’affronter avec ses alliés ».
Pourtant, le Directeur d’une ONG turque SETA (Recherche Stratégique), Hasan Basri Yalcin prétend que « le jeu ne fait que débuter en Syrie ».
Il considère à son tour que « les Etats-Unis vont continuer à soutenir le PYD et mener une opération conjointe vers Raqqa avec eux. » Il pense savoir que les Etats-Unis ont promis le Nord de la Syrie aux Kurdes et que le Sud sera laissé aux mains du gouvernement de Damas. « Dans ce plan, il n’y a plus de place aux arabes sunnites », avance-t-il.
Dans ce contexte, il pense que « seul le plan de la Turquie a une chance d’apporter la paix. » C’est pourquoi « avec l’Opération Bouclier de l’Euphrate, la Turquie a ciblé Daech et s’est défendue face au PYD. La Turquie doit désormais pointer son javelot contre le PYD et doit se défendre contre Daech« , suggère-t-il.
Pour autant, selon l’avis de Baris Doster, maître de conférences à l’Université de Marmara, cela est impossible. Pour lui, « la Turquie ne pourra pas se mettre à dos à la fois les Etats-Unis et la Russie. » Il prétend que « si la Turquie avait collaboré avec l’Iran et le régime Syrien, la donne aurait pu être différente ».
Or, le journaliste Celal Kazdağlı, n’est pas de cet avis. Les dernières déclarations de Messoud Barzani, sur un éventuel référendum pour l’indépendance de la région kurde du Nord de l’Irak ne laisse guère le choix à la Turquie.
Une telle possibilité risquerait de s’étendre en Syrie et donc de rendre la situation incontrôlable. De ce fait, pour lui « c’est une question de vie ou de mort. »
Le ministre turc de la Défense Fikri Isik a fait savoir aux médias que la fin de l’opération « ne voulait absolument pas dire le retrait de l’armée turque de la région ». Il s’est félicité de la mise en échec de la tentative de réunir les cantons sous contrôle du PYD et la prise des villes importantes aux mains de Daech.
Il a fait également savoir que la Turquie n’avait nullement l’intention de céder la région à des entités terroristes et qu’elle fera tout pour protéger ses frontières de toutes attaques quelques soient son provenance.
De son côté, le Président Recep Tayyip Erdogan a annoncé lors d’un meeting à Trabzon que la Turquie allait lancer plusieurs opérations avec des noms différentes. Ainsi, il a promis « des grandes surprises »
Source : AA
FKA