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Crise ukrainienne : pourquoi Erdoğan refuse de sanctionner la Russie ?

erdogan poutine

Lorsque le président russe Vladimir Poutine a annoncé sa décision de reconnaître comme indépendantes deux régions séparatistes de l’est de l’Ukraine, la Turquie, membre de l’OTAN et voisin de la mer Noire, a rapidement critiqué cette décision, mais s’est abstenue d’annoncer des mesures punitives.

La Turquie est dans une situation unique : elle entretient de bonnes relations avec l’Ukraine et la Russie, mais s’oppose également aux sanctions de principe, que l’Occident vient d’imposer à Moscou comme promis depuis longtemps.

De plus, Erdogan n’a pas oublié que lors de la « Crise russo-turque de 2015 » l’Otan avait déclaré celle-ci n’interviendrait pas en cas de guerre entre la Turquie et la Russie. Pourtant la Turquie faisait et fait partie de l’Otan. Alors qu’aujourd’hui l’occident prend des mesures contre la Russie alors que l’Ukraine ne fait pas partie de l’Union européenne et encore moins de l’Otan.

La crise russo-turque avait marqué la Turquie via le tourisme, les Russes ne venaient plus dépenser leur argent dans les stations turques. De plus Vladimir Poutine avait décidé de soutenir le YPG branche syrienne du groupe terroriste PKK.

La Turquie après avoir amélioré sa situation avec la Russie avait décidé d’acheter les systèmes antiaériens russe longue portée S400, signer un contrat pour deux centrales nucléaires. Lors de la guerre au Haut Karabagh la Russie s’était abstenue de soutenir militairement l’Arménie, ce qui avait permis à l’Azerbaïdjan, grande alliée de la Turquie d’être victorieuse.

La situation économique de la Turquie

La Turquie ne peut pas se permettre une crise énergétique, économique et militaire si la Russie décidait de prendre des contre-mesures.

Tout en coopérant avec la Russie dans les domaines de l’énergie et du commerce, la Turquie a également vendu des drones sophistiqués à l’Ukraine et a signé un accord pour en coproduire davantage.

La Russie a fourni environ 46% du gaz turc l’année dernière, et Ankara cherche à conclure des accords gaziers de plus courte durée avec Moscou pour alléger les coûts d’importation.

La Turquie pourrait en cas de guerre avec la Russie jouer la carte de la Convention de Montreux de 1936. Celle-ci donne à la Turquie d’interdire l’exercice de la libre circulation dans les détroits des Dardanelles et du Bosphore, ainsi que dans la mer Noire.

Recep Tayyip Erdoğan a beaucoup de carte à jouer mais il se refuse à envoyer la Turquie dans le mur.

Conflit en Syrie

Il ne faut pas oublier que la Turquie et la Russie ne sont pas en désaccords pour la première fois. Sur le front de la Syrie, les deux pays s’opposent. Pourtant, les deux leaders trouvent toujours un terrain d’entente. Cette crise d’Ukraine ne concerne pas directement la Turquie pourtant, elle peut en profiter pour mettre la pression sur les russes afin qu’ils cessent leur soutien au PKK en Syrie.

Ces derniers mois, Erdogan a entrepris de grandes manœuvres diplomatiques notamment avec Israël et les pays africains. D’ailleurs, l’abandon du projet ESTMED en Méditerranée place la Turquie dans une situation stratégique. Ce projet ne pourra pas se faire sans la Turquie.

Et Erdogan compte bien en profiter pour les intérêts supérieurs de la Turquie.

Fatih Tufekci