MEDYATURK | Publié le . Mis à jour le

Medyacheck : entre fake-news et contre vérités, ces médias qui mentent sur la Turquie

Dans un entretien accordé au magazine Marianne, le 19 avril dernier, la journaliste Ariane Bonzon désinforme délibérément sur certains sujets. Sur d’autres, elle omet sciemment la précision de certains détails importants susceptibles d’offrir une vision beaucoup plus objective à ses lecteurs de la situation en Turquie. 

Nous avons décrypté son interview afin de démontrer la mauvaise foi, les mensonges et les informations dévoyées quand il s’agit de commenter la politique du gouvernement Turc.

Commençons par  le titre probablement choisi  par la rédaction de Marianne : « Turquie: Erdogan a réussi à imposer l’islam comme référent à tous les partis ».

Ces dernières années, la volonté absolue des médias est de placer les mots Turquie, Islam, Islamiste dans quasi chaque article afin de diaboliser le Président Erdogan. Qualifié tour à tour de Sultan, d’islamiste, de dictateur, le but est d’organiser un rejet voire la haine d’un président élu démocratiquement par son peuple.

C’est d’ailleurs l’une des rares choses qu’Ariane Bonzon admet, tout en précisant systématiquement que les médias sont  «à la botte du gouvernement»  et donc que ses victoires ne sont pas méritées. Pourtant, n’importe quel journaliste sur le terrain peut constater chaque jour que la presse Turque n’est pas tendre avec Erdogan, et que des dizaines de journaux d’opposition sont en vente dans les kiosques  ou des sites d’informations en ligne accessibles depuis la Turquie ou sur les réseaux sociaux. Certaines chaines de télévision sont d’ailleurs la version turque des chaines américaines comme Fox News ou CNN, mais contrairement aux Etats-Unis, leurs lignes éditoriales sont toutes dédiées à une critique permanente en direct du Président Erdogan, presque vingt quatre heures sur vingt quatre.

De plus, plusieurs médias internationaux ont des sites en turc comme la BBC, Sputnik, Deutch Well ou dernier en date the Independent. Le point commun de ces médias est l’hostilité flagrante envers le président Erdogan.

     

Mais faudrait-il encore qu’Ariane Bonzon ou ses confrères zélés sur la critique de la Turquie, soient allés en Turquie récemment ou qu’ils aient un peu d’honnêteté d’esprit à défaut de déontologie. La plupart n’y a pas mis les pieds depuis au minimum 5 voir 10 ans pour certains, ce qu’ils admettent eux-mêmes difficilement, quand ils sont confrontés à des questions gênantes. Quant aux reporters basés à Istanbul, confinés dans le quartier français, ils n’ont qu’une vision bien peu réaliste du terrain qui les mène à systématiquement se tromper dans  leurs  analyses ou leurs projections.

Revenons donc à Ariane Bonzon et cette interview riche en éléments factuels et vérifiables qui mettent à mal sa crédibilité journalistique déjà maintes fois éprouvée par ses propres confrères comme Guillaume Perrier qui lui-même est pourtant l’un des pires détracteurs d’Erdogan, mais publie parfois certaines fulgurances qui mettent à mal les analyses de Bonzon.

Dans son interview à Marianne, Ariane Bonzon analyse un  « éclatement de la base religieuse en Turquie«  de l’AKP en citant par exemple  le «Saadet Partisi». On sait que ce Parti politique crée par Necmettin Erbakan, dont Erdogan s’est assez éloigné, s’oppose notamment  à l’AKP sur des thématiques cruciales comme l’adhésion à l’Union Européenne. Or aujourd’hui ce parti « islamiste » a fait alliance avec le «CHP» la gauche laïciste-kémaliste qui s’apparenterait  à la tendance islamophobe du «Printemps républicain» en France, lors des dernières élections législatives de novembre 2017.

Le « islamistes » de  « Saadet Partisi » (le Parti de la félicité) ont donc, à la surprise générale, accepté de s’unir politiquement  avec le «CHP» (Parti républicain du peuple), les laïcistes islamophobes  et le « IYI Parti » (Bon Parti), branche dissidente de la droite nationaliste turque elle aussi plutôt laïciste qui reprochait au « MHP » de ne pas être suffisamment nationaliste, notamment sur la question des réfugiés  syriens ou sur le sermon que les élèves doivent citer tous les matins. Cette union a été scellée sous le nom d’« Alliance Populaire ».  Exemple illustré de cette alliance, le CHP n’a pas présenté de candidats dans les villes comme Sanliurfa ou Adiyaman afin de concéder une faveur pour faire gagner leur allié de circonstance.

Pour résumer, nous avons eu une alliance des ultras nationalistes du « IYI », des islamistes du « Saadet Partisi » et des laïcistes kémalistes du « CHP ». A cela s’est ajouté le soutien non officiel du HDP à tendance majoritaire kurde et pro PKK (Parti Démocratiques des Peuples – Organisation reconnue terroriste par l’Union Européenne). La parti démocrate (DP) a présenté des candidats dans les listes de ses alliés.

Le point commun unique de tous ces partis, c’est  une opposition à Erdogan qui n’est définie par aucun programme politique, si ce n’est « faire tomber l’AKP ». Combien de temps cette alliance peut-elle se poursuivre ? Difficile de le prédire tant elle ne repose que sur la haine d’un homme et pas sur un projet politique concret. D’ailleurs, en juin 2018, le Saadet a réussi a obtenir 2 sièges au parlement élu dans les listes du CHP. 

Ariane Bonzon poursuit : « Cela dit, la réforme de la loi électorale, une série de manipulations et de fraudes, ainsi que la mobilisation des ressources de l’Etat en faveur du parti au pouvoir ont fragilisé la légitimité des élections depuis quelques années. Malgré cela, les électeurs turcs ne se sont pas résignés à l’autocratie« .

Elle insinue donc, quitte à se contredire, que les élections précédentes gagnées par Erdogan depuis 17 ans, l’ont été grâce à des fraudes mais que la victoire du CHP à Izmir, Ankara ou Istanbul lors des dernières élections municipales, elle, n’est entachée d’aucune fraude. Le Conseil supérieur électoral (YSK) a pourtant mis au jour de nombreuses fraudes à Istanbul notamment à la faveur du candidat « CHP », ce qu’elle évite de citer en détail. Le YSK va décider, au vu de ses preuves si les élections doivent être renouvelées à Istanbul. Le soir du scrutin, la différence entre les deux candidats étaient de 29 000 sur 8 millions d’électeurs. Après, contestation, elle n’est désormais que de 13 000.

Or, elle l’affirme elle-même, l’ « AKP » a obtenu à lui seul 44% des voix. Avec son allié le MHP, le score du référendum est de 52 % ainsi que pour les présidentielles, un score de 52% maintenu donc. Les voix de l’alliance républicaine dépassent même les 60% dans les conseils municipaux. D’ailleurs, 25 districts d’Istanbul sur 39 sont aux mains de l’AKP.

Score aux législatives de 2018

Score aux municipales de 2019

Le scrutin d’Istanbul est un scrutin au coude à coude et non une défaite historique, pour toutes les raisons mentionnées précédemment. Pour ceux qui connaissent Istanbul et sa démographie, quelques milliers de voix d’avance sur plusieurs millions de votes ne représentent pas grand-chose.

La contradiction de ses propos est permanente, elle navigue entre vraies et fausses informations continuellement, exactement comme les médias russes RT ou SPUTNIK.

Il faudrait qu’Ariane Bonzon retrouve un peu de cohérence, car si elle maintient qu’il y a eu fraude lors des élections précédentes, dans ce cas cela revient à dire que le soutien à Erdogan a considérablement augmenté. Problème, les scores de l’ « AKP » restent quasi  identiques depuis un certain temps autour de 52%, la démonstration est faite donc que ces élections ne sont pas truquées  mais qu’en revanche, ses articles sont truffés de fake news.

Ce qu’Ariane Bonzon ne dit pas, c’est que le système électoral turc est très différent du scrutin français. En Turquie on vote pour le maire et le conseil municipal de manière séparée. Le peuple à largement plébiscité l’alliance menée par Erdogan après 17 ans de pouvoir. Certes l’opposition a gagné des villes, mais l’ « AKP » aussi marqué plusieurs succès en remportant des villes à majorité kurdes et des villes anciennement tenues par l’opposition. La presse française cite souvent IZMIR, qui aurait été perdue par l’ »AKP », c’est faux, la ville était déjà « CHP ». Seules, quelques grandes villes ont été reprises à l »AKP », c’est certes une performance locale et symbolique mais ce n’est en aucun cas une victoire nationale.

Résultats par rapport aux conseils municipaux

En tout cas, ces élections sont un vrai succès pour le peuple qui a massivement participé encore une fois, les coudes à coudes et les batailles électorales démontrent la dynamique démocratique en Turquie, une société civile vibrante qui s’intéresse à son destin et casse l’image d’un « peuple asservi par une dictature » comme le martèle les médias occidentaux.

Parler de « dictature » ou d’ « autocratie » relève simplement de la mauvaise foi dans un pays ou l’opposition est cent plus offensive qu’en France.

Revenons a Ariane Bonzon et son interview dans Marianne, elle répond : « Les références à la religion, à l’islam, ont désormais leur place dans les discours politiques de tous les partis, y compris dans l’opposition », c’est vrai, elle a tout à fait raison. Mais cela démontre une chose, que ce  n’est pas le kémalisme laïciste qui l’a emporté mais le comportement des candidats qui ont changé de stratégie pour séduire les musulmans, ils ont compris que le peuple turc reste majoritairement conservateur et croyant. Il fallait séduire les électeurs de ce fait ils ont adapté leur stratégie en délaissant les campagnes de haine pour un discours beaucoup plus « positif »  envers les musulmans.

Ainsi, comme elle l’affirme, Ekrem Imamoglu, (son nom de famille veut dire fils de l’imam-on ne pouvait pas trouver mieux), le candidat de la gauche laïciste kémaliste du  « CHP » n’a jamais mis en avant la laïcité ou la politique kémaliste  pendant sa campagne.

Bien au contraire, cette fois, tout comme le candidat malheureux aux présidentielles Muharrem Ince, il a joué sur la fibre religieuse pour rassurer les électeurs conservateurs musulmans, car le passé du CHP envers les croyants pratiquants rappelle les années sombres de la Turquie. A l’époque où les mères de soldats se faisaient arracher leur voile, les filles voilées ne pouvaient pas aller à l’école. Plusieurs agressions dans la rue de ce type ont été relayées via des vidéos sur les réseaux sociaux ces derniers mois. Pourtant, le CHP affirme que cette époque est révolue et que la liberté religieuse des musulmans sera respectée.

Le soir du 31 mars, les partisans de Mansur Yavas, le candidat du CHP à Ankara, ont même scandé des « Allah Akbar » pour fêter la victoire. Image insolite encore, un candidat élu sous les couleurs du CHP a même juré sur le Coran avant de prendre son poste du maire. Déjà, ce n’est pas dans les traditions politiques turques et de plus quand on connaît l’Adn du « CHP » c’est comme si Manuel Valls embrassait un Coran.

Maire de Bolu

Ajoutons aussi que  pour la première fois, le Parti Communiste, particulièrement  anti religieux a présenté une candidate voilée aux dernières élections. Ariane Bonzon ne précise pas que sous Mustapha Kemal, les communistes étaient largement réprimés. Le combat contre les « moskof » a été poursuivi jusqu’au années 90. Sous Erdogan, tous les partis peuvent se présenter comme dans n’importe quelle démocratie. Il existe plus de 113 partis déclarés dans ce pays. 

Candidate communiste voilée

Soulignons encore une nouvelle « Bonzonerie » : déçue par le « CHP » qui devient trop religieux à son goût du coup, elle finit par affirmer que « seul le HDP peut sauver la laïcité » mais elle explique, de manière contradictoire que le parti qui soutient le groupe terroriste du PKK, n’a aucune gêne « à jouer sur la fibre religieuse pour gagner des voix notamment en fêtant la naissance du prophète pour ne pas laisser la place au parti islamiste kurde».

En revanche, je soulignerais le fait qu’elle affirme des informations plutôt justes sur les gülenistes,  mais cet angle là ne semble intéresser que très peu nos médias, bien trop fixés sur le sort de leurs pseudo confrères turcs emprisonnés, qui pour la plupart justement appartenaient à cette mouvance ou n’étaient pas vraiment journalistes mais plutôt des blogueurs payés à créer l’anarchie en Turquie.

A ce sujet, Ariane Bonzon répond « Les gülenistes avaient pris des positions clés (dans les ressources humaines et les départements informatiques, ainsi que dans la justice et la police en particulier« .

Evidemment elle ne dira pas que le prédicateur Gülen possédaient une grande partie des titres de presse en Turquie notamment Zaman, numéro 1 des ventes et donc que ces journalistes n’étaient pas vraiment innocents de toute ingérence politique ou de participation au putsch du 15 juillet 2016, qui a coûté la vie à des centaines de Turcs, dont les images terribles et violentes n’ont été que très peu diffusées en France.

Elle réussit pourtant à faire la démonstration, qu’un groupe religieux (Les Gülenistes) a tenté de contrôler les appareils étatiques et privés et que le président turc les en a empêchés. Quoi de plus normal pour un président de traquer l’organisation qui a tenté à un coup d’état pour l’assassiner ainsi que sa famille.

Abordons à présent ses analyses techniques concernant la réforme constitutionnelle votée à la majorité. Elle affirme « Ce qui est sûr c’est que ce dernier bénéficie désormais d’une immunité renforcée depuis la mise en place de la réforme constitutionnelle entérinée par référendum en 2017« . Ariane Bonzon a tort puisqu’elle insinue de manière erronée, que grâce aux modifications apportées à la Constitution, le président serait protégé de toute attaque judiciaire. Or, c’est totalement le contraire. Dans notre décryptage du 27 mars 2017, nous avions démontré cette fausse information :

« Dans le système actuel et en dépit de ses pouvoirs étendus, le président ne peut être poursuivi légalement (Immunité présidentielle) sauf pour haute trahison (dont la notion est actuellement très vague).  En effet, désormais, l’article 105 donne la possibilité au Parlement de faire une enquête sur le Président et de le renvoyer devant la justice. En cas d’investigations, il ne pourra plus dissoudre le Parlement. D’autre part, ses responsabilités sont maintenues même après la fin de son mandat. Il pourra être poursuivi à tout moment si on découvre des irrégularités à posteriori. Ce qui n’était pas le cas avant, exemple : « le général putschiste Kenan Evren n’a jamais pu être poursuivi en raison de cet article ».

Comme vous le constatez vous-mêmes, il est dorénavant possible de poursuivre le Président de la république, pour tous les actes dont il est serait accusé.

Voilà la démonstration des erreurs volontaires ou involontaires d’Ariane Bonzon, qui n’est pas très studieuse quand il s’agit de creuser les points techniques d’un sujet. Elle va donc distiller des mensonges ou ses « croyances » plutôt que des faits vérifiés par un travail rigoureux et sérieux. D’ailleurs, ses confrères n’hésitent pas à le lui rappeler.

D’autant plus, que lors du référendum, elle évoquait déjà une « constitution autoritaire ». Or, elle se contredit une fois de plus en affirmant : « Ceux qui voudraient le voir tomber avant 2023 ne peuvent compter que sur le Parlement. En effet, si 60% des députés constituent un front uni, ils peuvent s’auto-dissoudre et appeler à de nouvelles élections législatives« . Comment peut-on affirmer autant de choses et leurs contraires aussi souvent quand on se prétend « expert » d’un sujet. Et surtout, comment est-il possible de faire autant d’erreurs quand on prétend avoir de la déontologie professionnelle ?

Avant la réforme constitutionnelle, il n’y avait aucune possibilité pour le parlement de faire tomber le président. Or, aujourd’hui, elle reconnaît que si la majorité passe à l’opposition, le président pourra être « éjecté ». Voilà un aveu qui montre sa partialité. Tout est finalement une façon de « raconter l’histoire » à sa manière, donc déformer les faits quand cela l’arrange ne lui pose aucun problème.

Actuellement, des dizaines de journalistes occidentaux sont basés en Turquie. Et ce qui est étonnant, c’est que pratiquement tous les membres de la presse étrangère écrivent uniquement à charge contre Erdogan sans jamais être inquiétés. Pourtant, tous continuent d’écrire que la Turquie,  est une « affreuse dictature ».  Soulignons que le Prix Albert Londres de la liberté de la presse a été organisé à Istanbul, avec une journaliste du Figaro, comme membre du Jury. Mais la même journaliste gauchiste, vous dira que «  Mon Dieu, on ne peut pas s’exprimer en Turquie ». Des articles 100% à charge, aucun recul, aucune analyse politique sérieuse, mais comme il fait bon vivre en Turquie et qu’on est plutôt bien traité, autant y rester, n’est-ce pas ?

 

Rappelons que les seuls journalistes ou pseudos journalistes qui sont en prisons sont ceux qui font l’apologie du terrorisme, du PKK, de Daesh ou de Gülen. La justice fera la lumière sur les responsabilités de chacun, tout comme elle à la liberté d’investiguer en France.

Les récentes arrestations et violences envers les journalistes en France, font bien moins l’objet d’analyses, pourtant la France ne partage pas 900 kilomètres de frontières avec la Syrie et Daesh, l’Iran et l’Irak, et ces journalistes se contentent de filmer les Gilets Jaunes, eux ne soutiennent pas des terroristes.

Les avancées démocratiques depuis 17 ans sont considérables en Turquie. Et c’est sans aucun doute grâce à ces avancées qu’Erdogan a pu s’imposer comme un dirigeant incontournable.

Les défaites dans les grandes villes ne doivent pas cacher la victoire écrasante au niveau national. Même dans les grandes villes, les conseils municipaux et les districts sont aux mains de l’AKP. Le fait de perdre seulement la mairie des métropoles a d’autres causes que nous analyserons dans un prochain article.

Fatih KARAKAYA