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La loi de travail va passer en force

Le président français, Emmanuel Macron, souhaite mettre en place rapidement la réforme de la loi de travail en recourant à des ordonnances (adoption des lois par le gouvernement sans passer par le vote du parlement et sans engager sa responsabilité).

Alors que le patronat se réjouit de cette réforme, des syndicats appellent à la mobilisation pour empêcher sa promulgation.

Les spécialistes pensent qu’Emmanuel Macron ne veut pas refaire l’erreur de François Hollande.

En effet, ils estiment qu’une réforme met du temps à porter ses fruits et que le Président souhaite avoir des résultats rapidement, avant la fin de son quinquennat, afin de s’assurer de sa succession.

Par ailleurs, l’opinion publique ne semble plus se crisper sur ce projet, tel le cas à l’égard de la loi El Khomri de 2016, qui allait dans le même sens.

Mais à l’époque, un bras de fer a eu lieu entre les syndicats et le premier ministre Manuel Valls. Celui-ci avait eu recours au dispositif 49-3, qui permettait aussi de faire adopter la loi, mais en engageant sa responsabilité.

Ainsi, après le recours au dispositif 49-3, les députés pouvaient adopter une motion de censure susceptible de faire chuter le gouvernement.
Mais les députés socialistes avaient voté contre cette motion.

Pourtant, la donne semble avoir changé. En effet, selon un sondage d’Odoxa-Dentsu consulting pour Le Figaro et France Info réalisé fin août, 52% des Français soutiennent la réforme et estiment « qu’elle aura un impact positif sur l’emploi ».

Le même sondage révèle que 60% des français pensent que «Macron ira jusqu’au bout». Ce projet de réforme divise également les syndicats.

En effet, seuls la CGT, Union Syndical des Solidaires et la FSU avaient appelé à une mobilisation le 12 septembre dernier. Même la Force Ouvrière opposée à la réforme, n’avait pas rejoint la manifestation comme les réformistes CFDT, CFTC et CFE-CGC.

Lors de cette manifestation, la CGT avait estimé le nombre de manifestants à 400 000 personnes, alors que la police avançait le chiffre de 223 000.

On était, donc, loin des chiffres lors de la manifestation contre la loi El Khomri, qui avait réuni plus d’un million de personne au mois de juin 2016 et qui avait entraîné des heurts avec la police.

Que prévoit la réforme ?

Le projet de réforme veut bouleverser la vie des français, selon certains points de vue.

Ainsi, un des principaux changements concernent les contrats à durée indéterminée (CDI) par projet. Jusqu’à présent, seul le domaine du bâtiment bénéficiait de ce type de contrat.

Les ouvriers étaient embauchés pour une durée indéterminée jusqu’à la fin du chantier.

Désormais, cette possibilité va être étendue à d’autres domaines. Plutôt que de proposer des contrats à durée déterminée (CDD), susceptibles de ne pas être adaptés dans certaines situations, des contrats par projet seront proposés.

Ainsi, le contrat de l’employé prendra fin automatiquement, sans indemnité particulière, à la fin du projet en question.

Les syndicats avaient énormément critiqué ce point, estimant « la fin du CDI classique ». Pourtant, selon le même sondage, il s’agit de la partie de la réforme qui est la plus appréciée. Ainsi, 71% des sondés sont favorables à cette nouvelle adaptation.

Par ailleurs, les syndicats s’inquiètent de leur exclusion des négociations. Avec la réforme, un personnel d’entreprise pourra négocier sa situation avec la direction sans passer par les syndicats ou par une personne mandatée par un syndicat. Ainsi, le même sondage annonce à 69% le soutien à ce changement.

En outre, 69% des personnes interrogées sont également favorables à la possibilité d’organiser un référendum d’entreprise à l’initiative de la direction.

L’autre changement consiste à inverser la priorité des accords syndicaux. En effet, jusqu’à présent, les accords nationaux étaient prioritaires sur les accords locaux. Or, avec la réforme qui recueille 61% d’opinion favorable, les syndicats au niveau local peuvent conclure des accords différents de leur direction nationale.

En revanche, l’opinion publique n’apporte pas son soutien au plafonnement des indemnités, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En clair, si l’entreprise souhaite se séparer de son salarié pour un motif de convenance personnel, un plafond sera appliqué. Cela permettra aux entreprises de savoir à l’avance ce qu’un licenciement leur coûtera réellement. Pourtant, 57% des sondés s’opposent à ce projet.

Les employeurs satisfaits

Par ailleurs, la réforme prévoit plusieurs changements, aussi bien sur le télétravail que sur les délais de recours aux prud’hommes, le travail de dimanche ou de nuit.

Ce projet de réforme a été bien accueilli par les employeurs. Murat Guldal, gérant d’une société de service en informatique assure, au correspondant d’Anadolu que « la flexibilité est un atout pour l’embauche ». Pour lui, la période d’essai n’est pas suffisante pour tester la performance d’un employé.

« Il est parfois difficile de jongler entre des CDD et des CDI. Cela, fait longtemps que nous attendions une certaine souplesse dans les embauches » explique-t-il.

« Pouvoir se séparer d’une personne qui ne répond pas à nos besoins sans se ruiner, va nous permettre d’embaucher plus facilement » assure-t-il.

Or, contacté par Anadolu, Ahmet K., membre d’un syndicat opposé à la réforme parle, lui, « d’employé jetable ». « En France, sans un CDI vous n’avez ni crédit, ni location d’appartement. Or, aujourd’hui, avec cette réforme, on va tous devenir des intérimaires. Nous serons des employés jetables », se désole-il.
« Notre président paye sa dette envers le patronat qu’il a soutenu pendant la campagne » dit-il.

Ces ordonnances seront présentées au Conseil des ministres le 22 septembre. Les syndicats veulent continuer à mettre la pression sur le gouvernement en appelant à se mobiliser le jeudi 21 septembre.

Malgré les critiques sur certains points, le gouvernement voudrait mettre en œuvre la réforme avant la fin de l’année pour s’attaquer, par la suite, à un autre gros chantier qui est le projet de la réforme fiscale.

Fatih KARAKAYA
Source : AA