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Sur le nationalisme

nationalisme turc

Plus de trois siècles se sont écoulés depuis la révolution Française de 1789, mère d’une multitude qui s’ensuivirent dans le monde, dont l’une des idées proéminentes : le nationalisme, est toujours vivement d’actualité.

Intégré dans le mode de pensée de la majorité des peuples du monde qui sont devenus nations, il a fait naître chez un nombre incalculable d’entre eux la volonté de parvenir à son aboutissement naturel, l’état-nation.

L’expérience mondiale de ce courant philosophico-politique a vécu son apogée lors des première et  seconde guerre mondiale où les violences ont parfois atteint leur paroxysme mais cela s’est perpétué tout le long du XXe siècle et même de nos jours avec les exemples Ukrainiens, Éthiopiens et Sud-Soudanais.

Il nous a semblé bon d’écrire quelques lignes pour décrire les succès et malheurs de ce courant de pensée qui façonne les relations humaines et internationales.

Tout d’abord, commençons par une définition que nous tirons de l’essai d’Umut Uzer, universitaire Turco-Américain, « an intellectual history of Turkish nationalism » (une histoire intellectuelle du nationalisme Turc) : le nationalisme est un phénomène culturel basé sur le langage, les sentiments et un certain symbolisme et ne peut donc pas être considéré comme une idéologie ou un mouvement politique. Il canalise les émotions d’amour et de haine et le désir de donner sa vie à la nation.

Il ont une composante ethnique et civique qui sont respectivement une communauté de naissance/descendance et une culture/idéologie type…ses éléments positifs sont la récupération d’une histoire perdue, un sentiment d’appartenance, une renaissance culturelle ainsi que de la solidarité parmi les masses, la lutte contre le despotisme et l’encouragement de la croissance économique…une foi en une histoire distincte, un âge d’or et un territoire sacré.

Aussi, il peut donc être une force positive pour la démocratie et donner un sentiment d’amour propre national.

Néanmoins dans ses aspects négatifs, on peut citer une potentielle hostilité envers les autres nationalités et de la xénophobie.

Umut Uzer cite dans son ouvrage une lecture d’Ernest Renan en 1882 ainsi : aucune « race » pure n’existe et la nationalité est un « principe spirituel » . Il dit également : le désir de vivre ensemble est essentiel pour qu’une nation vive et avoir le sentiment d’avoir beaucoup accompli et de devoir accomplir davantage sont les élément clés du nationalisme.

Nous apprenons également dans cet ouvrage qu’après la révolution Française de 1848, le nationalisme a muté en une idée expansionniste et étatiste contrairement à ses idéaux libéraux et humanistes initiaux, bien que le jacobinisme avec ses concepts d’état-nation centralisé et unilingue faisait déjà primauté.

Il commençait ainsi à intégrer des idées de supériorité et d’animosité envers les autres nationalités. Le nationalisme romantique Allemand avançait que l’ethnicité et la langue étaient prédominant dans la formation d’une nation plus que la territorialité.

Ainsi nous pouvons voir que le nationalisme peut apporter énormément de bienfaits et a probablement déjà existé auparavant sous d’autres formes, l’auteur de l’ouvrage avance l’exemple des Grecs et Juifs antiques qui avaient déjà un sentiment national avant l’heure. A noter tout de même qu’il existe des « paramètres » et des « variantes » et ainsi différents nationalismes. Ainsi, un nationalisme universaliste et civique parfois nommé « de gauche » peut fleurir, parfois un nationalisme plus ethnique et lié au droit du sang comme ceux « de droite ». L’un n’équivaut donc pas à un autre et le spectre peut être relativement large.

Le moment est donc opportun pour dresser un bilan de ce courant centenaire.

Comme cité plus haut le nationalisme peut être source de lutte contre le despotisme d’indépendance, ainsi les drapeaux nationaux sont largement affichés dans les révoltes populaires comme celui des gilets jaunes ainsi que lors de manifestations contre les dictatures comme ceux contre la tentative avortée de putsch en Turquie en 2016.

L’état-nation jacobin a porté ses fruits dans plusieurs pays d’Europe de l’Ouest comme la France ou l’Italie, une langue unifiée et un état centralisé peut avoir ses avantages mais l’expérience peut également se révéler peu fructueux dans des pays comme la Belgique où cela a mené à un fédéralisme douloureux avec toujours certains ressentis.

Ce ressenti est partagé jusque dans des pays moyen-orientaux et asiatiques pour qui l’assimilation à l’ethnie dominante allait devenir problématique. Ainsi diverses ethnies ou plutôt communautés allaient se sentir lésées, menant à des revendications parfois violentes mais heureusement les états en question ont réussi dans l’ensemble à amender leurs politiques.

Le fédéralisme peut apporter des solutions comme l’entrave à une dictature centralisée, une meilleure représentation, mais également son lot de désavantages comme des dysfonctionnements par rapport à l’autorité centrale et un potentiel séparatisme, surtout si la fédération se fait sur une base ethnique et ainsi nationale.

Ainsi nous avons vu l’exemple de l’Espagne qui a vécu des moments chocs avec le référendum d’indépendance Catalan en 2017 et actuellement l’ombre d’une désintégration de la Belgique plane toujours. Des exemples couronnés de succès persistent néanmoins comme avec la fédération de Russie qui comporte en son sein divers républiques autonomes dont le peu connu « Tatarstan », ce qui prouve la viabilité d’un état « multinational ».

D’un point de vue pragmatique un grand état apporte naturellement des bénéfices à large échelle comme une distribution équitable des richesses du territoire pour la population, le séparatisme indépendantiste provoque évidement ses dysfonctionnements, les frontières fermées strictement acculent les peuples dans des enclaves hermétiques, cela s’est fait ressentir lors du début de la crise du coronavirus où beaucoup pensaient devoir faire le deuil du mondialisme.

Pour conclure, nous pouvons affirmer que le nationalisme avec ses forces va certainement perdurer bien que certains prévoient sa déliquescence au profit du mondialisme. Il est néanmoins souhaitable que des variantes telles que le chauvinisme et le jacobinisme soient mis de côté pour permettre de meilleures relations internationales et que celles-ci soient basées sur un respect universel de l’homme. Le rôle de la jugulation des différents courants reviendra à la fois aux officiels et à la société civile des différentes nations pour un bien commun.

Özler ATALAY YÜKSELOĞLU


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