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La Turquie a privé Emmanuel Macron de ses rêves libyens

Macron Bloomberg

Chroniqueur d’opinion pour Bloomberg, Bobby Ghosh, expert en politique internationale, notamment concernant le Moyen-Orient et le monde islamique, vient de publier une critique au vitriol de la politique du président français, Emmanuel Macron, vis-à-vis de la Turquie, notamment en ce qui concerne la Libye.

Ghosh entame son article en saluant l’élégance d’un autre temps avec laquelle le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hami Aksoy, a qualifié les dernières déclarations du président français concernant le soutien de la Turquie au gouvernement légitime libyen, présidé par Fayez Al-Sarraj.

« Savourons donc la raillerie à l’ancienne de « perte de lucidité », la dernière pique turque en direction du président français Emmanuel Macron », assène Ghosh d’emblée.

Soutien à criminel de guerre

Rappelant que Emmanuel Macron a « soutenu un criminel de guerre présumé contre un gouvernement reconnu par les Nations Unies à Tripoli », le chroniqueur de Bloomberg se gausse de voir le président français accuser la Turquie de « jouer un jeu dangereux » en Libye. Et de rappeler qu’ « ayant perdu tout effet de levier que la France aurait pu avoir dans la guerre civile, il (Macron) affirme qu’il « ne tolérera pas » l’ingérence turque ».

« Les déclarations de Macron sur la Libye sont passées de l’hyperbole et de l’hypocrisie à quelque chose qui approche de l’hystérie », assène le journaliste de Bloomberg.

Se demandant si le président français « souffre d’une perte de mémoire » Bobby Ghosh rappelle, à qui veut bien l’entendre, « les complexités introduites par au moins une douzaine d’acteurs étrangers » concernant la guerre civile libyenne, ajoutant sur un ton sarcastique que « la contribution fondamentale de la France au conflit pourrait se perdre dans le remue-ménage ».

Et d’inviter Macron à « simplement blâmer son prédécesseur, François Hollande, d’avoir impliqué la France dans la guerre civile. Lorsque la mort de trois soldats français dans un accident d’hélicoptère en juillet 2016 a porté l’intervention de Hollande à l’attention du monde ».

Le chroniqueur ne manque pas également de rappeler que « Macron n’avait pas encore annoncé sa candidature à la présidence », à l’époque, puisqu’il n’était alors que le petit protégé de son président.

Jean-Yves Le Drian au cœur de la politique libyenne

Principal maître d’œuvre de la politique étrangère de la France, Jean-Yves Le Drian était, comme le rappelle Ghosh, le ministre de la Défense de Hollande et c’est vers ce ministre que la plume aiguisée du chroniqueur de bloomberg appelle le président français à adresser son ire, étant celui qui a « qualifié le commandant rebelle Khalifa Haftar de partenaire dans la lutte contre le terrorisme salafi-djihadiste au Maghreb et au Sahel ».

Et d’enfoncer le clou en affirmant que « ce point de vue exigeait une ignorance volontaire : il y a des extrémistes islamiques des deux côtés de la guerre civile ».

Bobby Ghosh rappelle, avec une certaine malice, que les forces de Khalifa Haftar « comprennent une importante cohorte de Madhkhalis, partisans d’un religieux saoudien obscur dont la vision du monde est plus talibane que « liberté, égalité et fraternité » ».

L’article de Bloomberg rappelle que c’est bien Le Drian qui a appelé à l’engagement français en Libye, « tout en niant les informations selon lesquelles il aurait fourni des armes aux rebelles, manque de chance, les missiles antichars Javelin vendus à la France ont refait surface dans l’une des bases de Haftar. »

Raillant les admonestations de Macron, qui se voyait déjà en « pacificateur », lorsque « deux mois après sa prise de fonction, il a organisé un sommet en dehors de Paris (entre Haftar et le Premier ministre Fayez al-Sarraj) », l’article souligne que cette initiative « n’avait fait que légitimer le commandant rebelle, qui n’avait jamais renoncé à son ambition de prendre Tripoli par la force » !

Silence aux autres belligérants

Et d’ajouter que fort « d’autres alliés plus engagés derrière lui – notamment l’Égypte, les Émirats arabes unis et la Russie – Haftar a pu traiter ses parrains français comme ils avaient traité le gouvernement soutenu par l’ONU, avec un mépris total ».

Le chroniqueur de bloomberg souligne que « le manteau du pacificateur a été transmis à d’autres prétendants », puisque « le président russe Vladimir Poutine et la chancelière allemande Angela Merkel ont tous deux organisé des sommets » consacrés à la crise libyenne.

Moquant par là même la France qui n’avait d’autre préoccupation, pendant ce temps, que de « se livrer à des tiraillements avec l’Italie sur les intérêts énergétiques de la Libye ».

Le titre de l’article de Bobby Ghosh « La Turquie a privé Emmanuel Macron de ses rêves libyens », rappelle que « le seul dirigeant à avoir été capable de changer la situation libyenne était le président turc Recep Tayyip Erdogan, dont le soutien en paroles et en actes au GNA (Gouvernement de Fayez Al-Sarraj) a forcé Haftar à se retirer tête baissée en Libye».

Et de renchérir que la défaite de Haftar a conduit à des révélations encore plus embarrassantes pour Macron et Le Drian, puisque des charniers ont été découverts dans un territoire libéré de l’emprise des rebelles (à Tarhouna), ce qui suggère que « le champion de la France s’est livré à des atrocités à l’échelle industrielle ».

Cynisme d’Emmanuel Macron en Libye

Bobby Ghosh adresse en outre une nouvelle pique visant la dernière sortie du président français, en estimant qu’il ne faut pas « un cynisme macronien pour voir ces fanfaronnades rhétoriques envers la Turquie comme un effort désespéré pour détourner l’attention de la culpabilité française ».

L’article de Bloomberg ne manque pas de rappeler que l’intérêt du locataire de l’Elysée pour la Libye s’inscrit notamment dans « la concurrence sur les droits énergétiques en Méditerranée orientale ».

Et d’asséner l’estocade finale en faisant mine de « supposer » que « Macron conserve des fantasmes de l’influence française dans le sud de la Méditerranée », ajoutant, en écho à la déclaration de Hami Aksoy, que « quelle que soit la réalité libyenne, le président de la France ne montre certainement pas une « perte d’ambition » ».