La Turquie a lancé samedi l’opération « Rameau d’olivier » au nord de la Syrie. Cette offensive militaire, aérienne et terrestre, est destinée à neutraliser les combattants kurdes du PKK, organisation terroriste kurde.
A cette occasion, Anadolu a recueilli les analyses de spécialistes pour évaluer les enjeux liés à l’action menée par le président Recep Tayyip Erdogan.
Le YPG, qui n’est autre que la branche syrienne du PKK, qui mène régulièrement des opérations terroristes sur le sol turc, est ciblée depuis samedi par des frappes notamment à Afrin, fief des terroristes.
Lors du lancement de l’offensive, les forces armées turques avaient expliqué, dans un communiqué, que « l’opération Rameau d’olivier a été lancée afin de protéger nos frontières, de garantir la stabilité, d’éliminer les terroristes du PKK/KCK/PYD-YPG et Daech dans la région d’Afrin et, ainsi, libérer la population locale sœur et amie de l’oppression dont ils sont victimes ».
Romain Caillet est chercheur, consultant et spécialiste des mouvances terroristes. Dans un entretien accordé à Anadolu, il est revenu sur les raisons qui ont poussé le gouvernement turc à mener cette offensive sur les groupes terroristes au nord de la Syrie.
« Du point de vue des Français, c’est « concentrez-vous sur Daesh », mais ce type de discours est inaudible en Turquie puisque le PKK fait des milliers de morts là-bas », explique-t-il avant de poursuivre, estimant que « le but de la Turquie est de démanteler les fortes concentrations d’une organisation terroriste à sa frontière ».
Il note, par ailleurs, que « pour la première fois depuis plus de trois ans, le PKK va se battre sans le soutien aérien de la coalition ».
Dans la journée de dimanche, Jean-Yves le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, a annoncé avoir demandé « une réunion d’urgence du Conseil de Sécurité des Nations-Unis » et s’être entretenu par téléphone avec son homologue en Turquie avant de confirmer quelques heures plus tard, que « le Conseil de sécurité des Nations-Unies, tiendra (lundi) des consultations sur la situation en Syrie ».
Il a précisé que « la France soulignera l’urgence d’assurer l’accès humanitaire ».
Au sujet du rôle de la France, Romain Caillet estime qu’elle « ne peut pas jouer le rôle de médiateur dans ce conflit puisqu’elle apparaît aux yeux des Turcs comme trop favorable aux YPG et ne peut reprocher à Erdogan de frapper le PKK quand il fait des milliers de morts en Turquie ».
Il a précisé dans ce sens que : « ce n’est pas mon rôle de dire si l’action est légitime ou pas mais elle s’explique par le passif historique opposant Ankara aux groupes armés , représentant la principale menace sécuritaire pour la Turquie ».
Il ajoute également que « c’est dans l’intérêt de la France d’appeler Ankara à combattre les djihadistes plutôt que les YPG, mais il faut aussi se mettre à la place des Turcs et comprendre que pour eux, la principale menace n’est pas Daesh mais le PKK, dont les YPG sont une émanation ».
Si les attentats jihadistes ont tué des centaines de personnes en France, la guerre contre le PKK a fait des dizaines milliers de morts en Turquie. Comment ne pas comprendre qu’il est dans l’intérêt de la Turquie d’éradiquer les forces du PKK à sa frontière syrienne ?
— Romain Caillet (@RomainCaillet) 21 janvier 2018
Le journal l’Express rapporte, par ailleurs, que la Grande Bretagne « estime de son côté que la Turquie avait un intérêt légitime à assurer la sécurité de ses frontières ».
Pour rappel, l’ONG de défense des droits humains, Amnesty International, avait déjà publié un rapport fin 2015, dans lequel elle accusait les YPG, preuves à l’appui, de commettre des crimes de guerres notamment dans les territoires repris à Daesh en Syrie, comme l’avait rappelé Le Monde.
A ce sujet, l’essayiste Malik Bezouh, auteur de « France-Islam: le choc des préjugés » a rappelé sur son compte Twitter que : « en effet, de nombreuses milices kurdes, tant en Syrie qu’en Irak, ont commis d’effroyables crimes de guerre contre les populations civiles arabes. Des horreurs déjà dénoncées par Amnesty. C’est une réalité occultée ».
Une propagande malintentionnée
Depuis le lancement de l’opération Rameau d’olivier, une machine de propagande internationale s’est mise en place afin d’accuser la Turquie de mener un «combat contre Kurdes», semant la confusion et la polémique.
Le journaliste turc, Ibrahim Karatas, a bien voulu lever cet amalgame en précisant que : «la Turquie mène une guerre contre le YPG la branche armée du PKK en Syrie».
Dans un entretien accordé à Anadolu, le journaliste conteste formellement les accusations d’une guerre contre les Kurdes et dénonce «une diffamation».
Pour preuve, il rappelle que des milliers de Kurdes qui fuient la guerre se réfugient d’abord en Turquie, «terre d’accueil des plus démunis».
Il estime que les médias occidentaux «sèment de fausses informations se basant sur des comptes des terroristes sur les réseaux sociaux». La Turquie est en paix avec les Kurdes, précise-t-il, en rappelant qu’ils votent à grande majorité pour l’AKP, parti du président Erdogan.
Le journaliste note, d’ailleurs, le double jeu des Américains en expliquant que : «Les Etats-Unis savent très bien que le YPG est une branche du PKK. D’ailleurs, à sa tête se trouve un homme nommé par le PKK. C’est pour cela que les Américains ont imposé à cette organisation un changement de nom pour devenir les Forces Démocratiques Syriennes (FDS), afin de faire croire qu’ils n’ont rien en commun».
En outre, la volonté de lier les organisations terroristes au peuple kurde est, pour lui, une «hypocrisie» qu’il faudra faire cesser. Comme on ne parle pas d’une guerre «contre les Arabes lors des opérations anti-Daech», il n’est pas acceptable de parler d’une guerre «contre les Kurdes».
«La Turquie a le droit et doit protéger ses citoyens contre les menaces terroristes. Or, ces terroristes se sont installés à Afrin. Demain, s’ils s’enfuient vers Munbic et que la Turquie les traques, vont-ils parler d’une guerre contre les Arabes», s’interroge le journaliste.
L’opération Rameau d’olivier a une importance capitale confie encore le journaliste. «La ville d’Afrin est aux mains du PKK depuis des années, c’est d’ici que les infiltrations ont lieu vers la Turquie pour commettre des attaques terroristes», souligne le journaliste. Pour lui, «libérer Afrin, c’est empêcher une formation d’un Etat terroriste».
Sur la même lignée, Michel Goya, militaire et auteur français a déclaré jeudi sur Arte : « Il faut se méfier de l’image des Kurdes comme combattants de la liberté. C’est un mouvement marxiste. Ils pratiquent aussi des formes d’épuration ».
De son côté, Ahmet Asanoglu, un citoyen kurde vivant à Sanli Urfa une ville kurde dans le sud-est de la Turquie, raconte au correspondant d’Andolu « qu’il ne voit pas cette opération comme une guerre contre les kurdes ».
Il accuse les Etats-Unis de « vouloir faire tuer les kurdes entre eux » et rappelle que depuis des années, ces organisations terroristes attaquent les citoyens, la police te les militaires turcs. De ce fait pour lui, il est logique que la Turquie « prenne des précautions pour se protéger et surtout protéger les kurdes ». En effet pour cet étudiant en ingénierie « s’il y a bien quelqu’un qui fait du mal aux kurdes, c’est bien les terroristes du PKK/PYD » affirme-t-il.
Le journaliste turc Ibrahim Karatas approuve ce point de vue et insiste que la Turquie «mène aussi des opérations à Trabzon ou Giresun des villes non kurdes dans le nord de la Turquie», avant de conclure que la Turquie traquera les terroristes où qu’ils soient.
Source AA