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L’islamophobie, entre constante politique et déni

lutte contre islamophobie

La même thématique, les mêmes polémiques et les mêmes obsessions agitent inlassablement la classe politique française, comme une constante, un fil rouge : l’islam.

Qu’il s’agisse de la représentation des musulmans, de leur visibilité, de leurs pratiques, ou encore de leur place dans la société, le sujet crispe, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.

L’Exécutif français, à coups de dissolutions d’associations, de signatures de chartes, et d’accusations de séparatisme, pense pouvoir museler l’expression musulmane, mais ne fait en réalité, qu’accentuer les tensions et les alimenter.

Il n’y a qu’à observer le traitement médiatique et les commentaires politiques des faits liés de près ou de loin à l’islam, pour s’apercevoir que la France voit une islamophobie quasiment pathologique, se développer sur son sol.

Alors même que le président Emmanuel Macron n’avait pas fait campagne en 2017, sur ces questions de laïcité, d’identité, et de visibilité des musulmans, il a manifestement changé son fusil d’épaule pour la présidentielle qui aura lieu en 2022.

C’est dire si le sujet est identifié comme payant, électoralement parlant.

C’est dire aussi à quel point le populisme l’emporte sur les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité affichées sur les façades des mairies.

Niveau supérieur dans l’absurdité

Alors même qu’on imaginait difficilement comment la situation politique pouvait atteindre un niveau supérieur d’islamophobie, on assiste cette semaine à une nouvelle offensive, orchestrée directement par la ministre déléguée à la citoyenneté Marlène Schiappa.

La loi sur un prétendu séparatisme à peine adoptée en première lecture à l’Assemblée Nationale et largement durcie par le Sénat, voilà que la ministre se lance, tête baissée, dans des « états généraux de laïcité », auxquels elle convie des personnalités et polémistes tous plus controversés les uns que les autres.

De l’essayiste Caroline Fourest, au philosophe Raphaël Enthoven en passant par l’écrivain Gilles Kepel, la liste des intervenants laisse présager un détournement futur du principe de laïcité et des libertés qu’il permet, au profit d’une définition plus restrictive, amenant progressivement à une approche oppressante.

Mardi, au moment du lancement de cette initiative déjà contestée, s’il a bien été question de laïcité par moments, certains propos ont été très remarqués et largement relayés sur les réseaux sociaux pour leur caractère clairement outrancier.

Caroline Fourest a en effet estimé que « le terme d’islamophobie a tué » des victimes de terrorisme dont le professeur Samuel Paty, assassiné en octobre dernier.

Semblant plus préoccupée par la négation du terme d’islamophobie, que par la protection de la laïcité, elle s’est donc attiré les foudres de nombreux défenseurs des libertés et autres militants antiracistes.

En conviant de tels intervenants, Marlène Schiappa pouvait-elle ignorer leurs postures, qui consistent à focaliser l’attention sur une approche sémantique de l’islamophobie, pour mieux en nier les réalités?

On peut avoir une idée de la réponse quand on note que son ministère, sous l’égide du président Macron, a ainsi directement orchestré la dissolution purement politique du CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France), l’une des plus grosses structures européennes de lutte contre les discriminations faites aux musulmans.

Combat contre la visibilité musulmane

Le gouvernement, après avoir élaboré sa loi contre le « séparatisme », projet phare de cette fin de quinquennat, va-t-il désormais défigurer la définition de la laïcité pour en faire une arme contre la visibilité des musulmans et leurs pratiques?

Parallèlement, il existe une constante: la criminalisation des militants contre l’islamophobie. Dès lors que l’un d’entre eux émerge médiatiquement ou politiquement, il est accusé d’être un agent étranger, un militant de l’islam politique, un membre des Frères Musulmans.

Dès lors, personne n’envisage que la lutte contre les discriminations faites aux musulmans puisse relever d’un combat pour la liberté et l’égalité.

Un combat, auquel le gouvernement gagnerait à se joindre. Pour lui, pour le peuple français, pour ses valeurs, et pour que la France reste la France.

Feïza Ben Mohamed