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Crise des « gilets jaunes »: les erreurs de Macron

La forte mobilisation des «gilets jaunes» a pris les cercles du pouvoir français par surprise. Ce qui avait commencé comme des manifestations marginales contre l’imposition d’une nouvelle taxe sur les carburants s’est lentement transformé en un vaste mouvement de contestation pour le pourvoir d’achat et contre le matraquage fiscal.

Les politiques et stratégies de Macron ont sans aucun doute exacerbé la situation et conduit à la crise politique actuelle. Pour de nombreux observateurs, la présidence de Macron n’a fait qu’une suite d’erreurs. L’insistance du président pour offrir des réductions d’impôt aux plus riches ou très riches comme supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et d’Exit Taxe » affirmant que de telles mesures encourageaient les investissements, s’est avérée être une erreur stratégique.

Cadeaux aux riches

D’une part, cette approche a provoqué un trou de 10,5 milliards d’euros dans le budget 2018, ce qui correspond à une baisse de 39% du total des impôts perçus en 2017. Pour récupérer ces 10,5 milliards il a préféré donner moins aux citoyens ordinaires APL ou taxer le carburant et les produits énergétiques (TICPE).

Macron perd progressivement la bataille de l’opinion publique, de nombreux segments de la société française sont parvenus à la conclusion, à tort ou à raison, que Macron se soucie davantage des ultra-riches que des classes moyennes et ouvrières.

La deuxième erreur de Macron a été d’ignorer les protestations dès le début. Le président semble avoir sous-estimé les «gilets jaunes» en raison de leur structure atypique. Ils ressemblent beaucoup à « Occupons Wall Street un mouvement de contestation dénonçant les abus du capitalisme financier ou aux mouvements qui ont émergé sur la place Tahrir en Égypte. Ils ont des revendications communes mais n’ont pas de représentation ni de porte-parole clairs.

En raison de son manque de jugement, le président français a été extrêmement lent à réagir. Par conséquent, son silence est reçu comme du dédain envers les manifestants.

Macron a du mépris pour les pauvres

Au début, les demandes des «gilets jaunes» ont été mal accueillies par le président français. Macron a choisi d’oublier leurs griefs, est resté inflexible dans ses orientations politiques et n’a même pas parlé aux Français du problème pendant plus d’un mois. Durant les 3 premiers samedis de manifestations il se trouvait à l’étranger et son Premier ministre répétait « nous gardons le même cap, nous ne changeons rien ».

Le peuple a bien reçu le message et cela a fini par radicaliser les revendications du mouvement. Ainsi, les «gilets jaunes» sont passés de la demande de suppression de la taxe sur les carburants à la demande de renvoi de Macron lui-même. Ainsi, lorsque le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé la suspension de toute augmentation des taxes sur l’essence pendant six mois, les manifestants ont estimé que c’était trop peu, trop tard.

Diviser pour gagner

Une autre erreur a été que le gouvernement adopte une approche sévère à l’égard des manifestations, qui étaient au départ entièrement pacifiques. Les autorités françaises ne parlaient que des décrives minoritaire et non pas des préoccupations des Français, afin de créer un fossé entre les manifestants et la population en général. Sur les chaines d’informations continues les images de voyous étaient très présentes. Les «gilets jaunes» les accusent d’être des agitateurs professionnels de connivence avec la police. Ces stratégies politiques n’ont pas réussi à créer l’effet psychologique souhaité sur la population.

L’utilisation des véhicules blindés de la gendarmerie et d’autres méthodes agressives par la police anti-émeute visaient à effrayer les manifestants et à créer un climat de psychose parmi la population. Au final, le récit de sécurité prenait le pas sur le récit de justice sociale. Cependant, ces tactiques se sont révélées contre-productives.

« Jupiter » redescend sur terre

Dans l’ensemble, Macron assume une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Ses politiques économiques et fiscales se sont révélées inadéquates, alors que ses manœuvres politiques et ses stratégies de communication ont été largement déficientes. Maintenant redevenu un homme de dialogue, il a finalement décidé de parler aux Français à la télévision. Ce soir Macron sera obligé de négocier et de faire des concessions beaucoup plus importantes qu’au début des manifestations.

 

Fatih Tufekci