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Securitas au prud’homme pour licenciement abusive de 4 barbues

Le conseil de prud’hommes de Bobigny doit se prononcer jeudi 14 décembre sur l’affaire des quatre agents de sûreté de confession musulmane, licenciés après avoir refusé de raccourcir leur barbe, juste après les attentats du 13 novembre 2015. Ces derniers accusent l’entreprise Securitas de discrimination religieuse et réclament 40 000 euros

Les quatre employés étaient employés en CDI depuis huit ou neuf ans dans l’entreprise.

Un référentiel vestimentaire modifié juste après le  13 novembre 2015?

Quelques jours après les attentats du 13 novembre 2015, qui ont fait 130 morts, Securitas Transport aviation Security (STAS) avait convoqué une vingtaine de ses salariés ayant en commun de porter une barbe jugée trop longue, pour leur demander de se conformer au référentiel vestimentaire de l’entreprise. Celui-ci stipulait que les « barbes, boucs ou moustaches » devaient être « courts, taillés, soignés et entretenues ». Quatre d’entre eux ayant refusé de s’y plier, ils avaient été mis à pied puis licenciés pour « faute grave ».
Leur avocat, Éric Moutet déclare ;

« Pour résumer la situation, leur barbe n’a pas poussé en une nuit le soir du 13 novembre 2015. Et ce qu’on a toléré pendant 10 ans doit pouvoir se poursuivre pour exécuter le contrat de travail. Ce n’est pas leur comportement qui a changé, c’est le regard sur eux qui s’est trouvé modifié du fait des attentats. Ce que l’on reproche à la société Securitas, c’est d’avoir licencié sous le coup de l’émotion »

L’avocat poursuit ;

« L’émotion est légitime, on ne remet pas cela en question. L’entreprise peut revendiquer une sorte de droit à l’image. La difficulté est qu’on a exigé à ces personnes de couper leur barbe, alors que depuis 10 ans elle était là et que cela ne posait pas de difficultés. »

Pourquoi, parmi la vingtaine de ses salariés seuls, ces quatre-là ont refusé de se plier à l’injonction de leur employeur Securitas ? À cela maître Moutet répond ;

« Les autres ont pris peur pour leur contrat de travail. On ne va pas les blâmer. Les miens ont sans doute été un peu plus courageux dans leurs convictions religieuses et ils l’ont immédiatement payé en se faisant licencier pour faute grave. Je pense que la difficulté de trouver un job par les temps qui courent est un argument fort. Vous constateriez que mes clients n’ont pas une barbe de Père Noël. Elle est courte, elle est propre et elle est bien taillée. On a demandé de la réduire de manière très significative. Il y avait un référentiel vestimentaire qui existait depuis 2011 où il était question pour les salariés de barbe ‘soignée’ et juste après les attentats, de ‘soigné’, la barbe doit devenir ‘courte’. Mais c’est quoi une barbe courte ? » »

L’avocat Securitas Transport aviation Security (STAS), Benoît Dubessay, très embarrassé admet que le règlement a bien été modifié « en 2015 », sans citer de cause à effet avec attentats du 13 novembre 2015.

Benoît Dubessay, explique que ces consignes vestimentaires n’avaient d’autre but que de ;

« Donner aux salariés l’apparence la plus neutre possible ».

Benoît Dubessay, conclue en disant, est ;

« Proscrit tout ce qui peut être interprété comme fantaisiste: tatouage, piercing, vernis avec couleurs vives » et… barbe trop longue. « Ce ne sont pas les musulmans qui sont visés, mais les salariés qui arborent une barbe qui n’est pas conforme au référentiel. La réponse aurait été la même avec un punk avec une crête d’Iroquois ou quelqu’un avec une barbe d’hipster ».

L’avocat non convaincant car le règlement n’a pas changé en 2015 pour « tatouage, piercing, vernis avec couleurs vives, punk avec une crête d’Iroquois ou quelqu’un avec une barbe d’hipster »

Que dit la loi?

En droit, l’employeur peut imposer des règles strictes à ses salariés quant à leur façon de se présenter. Mais ces restrictions à la liberté doivent être justifiées par la nature de la tâche a accompli et proportionné. Quand le respect de règles d’hygiène ou de sécurité est invoqué, elles ne semblent pas pouvoir être contestables.

La jurisprudence admet aussi que dans le cas d’un contact avec la clientèle, l’employeur peut invoquer l’image de l’entreprise. La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, en mars dernier, un arrêt allant dans ce sens en reconnaissant aux employeurs le droit d’afficher une « image de neutralité » vis-à-vis de leurs clients. Elles peuvent, à condition notamment de ne pas être discriminatoire à l’égard d’une religion en particulier, interdire à leurs salariés le port de tout signe religieux visible.

Cette politique de neutralité doit, soulignait la Cour, être « poursuivie de manière cohérente et systématique » et s’appliquer de façon « générale et indifférenciée ».

Le délibéré sera rendu ce jeudi vers 13h30.

 

FTU

Source: France info, Sud Ouest