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L’Égypte : alliée des uns ennemie des autres mais qu’en est-il de sa relation avec les droits de l’homme ?

Egypte droit homme

La situation en matière de Droits de l’Homme se dégrade cruellement en Égypte. Le 17 décembre 2020, le Parlement Européen a publié une résolution sur la situation des droits de l’Homme en Égypte comprenant 19 points remettant la communauté internationale face à ses responsabilités et notamment les relations de l’UE avec l’Egypte.

D’après cette résolution, l’Union Européenne devrait réévaluer ses relations avec l’Égypte et la politique du Président Al Sissi, voire « envisager de prendre des mesures restrictives à l’encontre de hauts responsables égyptiens impliqués dans de graves violations des droits de l’homme, conformément à la loi Magnitsky », d’après l’ONG suisse Alkarama, spécialiste du monde arabe et référente de qualité auprès des Nations Unies.

La pandémie du covid-19 a révélé un aspect crucial dans le traitement des prisonniers dans les geôles égyptiennes notamment dans le surpeuplement des prisons qui accroit le risque de contraction du virus au vu du manque de respect des normes d’hygiène et de distanciation sociale nécessaire à la protection des prisonniers.

De nombreux prisonniers nécessitant des prises en charges médicales ou des traitements ne sont pas pris en charge ce qui diminue considérablement leur espérance de vie ou peut même être une cause de décès comme pour le cas du président Morsi dont la mort a fait l’objet d’une enquête par les Nations Unies et à la suite de laquelle le rapport a été sans appel, d’après les experts les conditions de détention du président Morsi sont la cause principale de son décès. Ceci n’est qu’un exemple marquant d’une réalité qui est le quotidien de milliers d’opposants politiques en Égypte. 

Des alliés régionaux

L’Egypte est depuis de nombreuses années l’alliée régionale des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite, deux autres pays au bilan lourd sur la question des droits de l’homme. Le trio est depuis de nombreuses années resté sourd aux recommandations émises lors des sessions de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Pourtant de nombreux pays européens au courant des agissements de ces pays en matière de droits de l’homme, sont des alliés stratégiques pour ces pays. La France, par exemple, entretient de bonnes relations avec le trio emiro-saoudo-égyptien.

La France, un allié de taille

Le 3 juin 2020, la 12ème session du Dialogue stratégique Émirats arabes unis – France s’est tenu par vidéoconférence entre les parties émiraties et françaises. A cette occasion « les Émirats arabes unis et la France se sont mis d’accord sur une nouvelle feuille de route pour la prochaine décennie de leur partenariat stratégique (2020-2030) » ou encore « cette réunion de haut niveau a aussi inclus des échanges dans les secteurs-clés de la coopération bilatérale, tels que l’économie, le commerce et l’investissement, le pétrole et le gaz, les énergies nucléaire et renouvelables, l’éducation, la culture, la santé, l’espace et la sécurité », comme l’indique le site officiel du ministère de l’Europe et des affaires étrangères français. 

La relation franco-saoudienne repose selon le site officiel du ministère de l’Europe et des affaires étrangères français sur une volonté de stabilité dans une région troublée par le « terrorisme ».

Prétexte du terrorisme

Pourtant, ce motif est celui utilisé par le gouvernement saoudien pour mettre derrière les barreaux des intellectuels, des universitaires et des érudits au nombre de 143 depuis l’arrivée de Ben Salman au pouvoir, ce qui démontre que ce motif est un prétexte infondé utilisé par le Royaume pour faire taire la dissidence et utilisé par la France pour faire accroître les ventes d’armes vers l’Arabie Saoudite dans sa guerre contre le Yémen alors qu’une dizaine de pays européens et occidentaux ont choisi d’arrêter de livrer des armes à l’Arabie Saoudite pour mettre fin à l’une des « situations humanitaires les plus graves ».

D’ailleurs, un article du Monde Diplomatique paru le 15 mars 2019 dénonçait l’exclusivité des intérêts économiques de la France dans la vente d’armes à l’Arabie Saoudite bien que connaissant ses agissements sur le Yémen dans une guerre « sans principes ».

L’Arabie Saoudite, n’étant pas encore assez forte militairement et économiquement et donc politiquement, utilise depuis quelques années un nombre de pays arabes comme des vassaux dans la région, les Émirats et l’Égypte entre autres. 

La visite de Al-Sissi

Mais le fait le plus marquant est la visite récente du Maréchal Al-Sissi au président Macron en France présenté comme un allié par le gouvernement français, ce dernier se servant par la même occasion de cette visite pour couvrir son islamophobie et apaiser la vague d’indignement et de boycott des produits français qui a récemment frappé le pays, en copinant avec un gouvernement lui-même très répressif envers les citoyens qui tendent vers la mouvance des frères musulmans.

Selon un article d’Amnesty International publié le lendemain de la visite du Maréchal al Sissi en France, le président Macron « a déroulé le tapis rouge à un président qui piétine les droits humains ». 

La France et l’Égypte ont prouvé leurs liens étroits à plusieurs reprises notamment sur le dossier libyen face à la Turquie l’été dernier. La Turquie, qui avait historiquement une place importante en Libye a gardé une place active dans les affaires méditerranéennes notamment pour des raisons de sécurité nationale. 

Durant l’été 2020 et sur demande du GNA, seul gouvernement libyen reconnu par les Nations unies, la Turquie intervient en Libye, ce qui ne plaît pas à la France et à l’Égypte qui soutiennent le général Haftar.

Selon certaines sources, les Émirats auraient même financé la France à coup de 5 milliards de dollars pour contrer la Turquie.

En effet, l’été dernier la France et la Turquie ont enchaîné les terrains de désaccord : la Grèce, la Libye, le Haut Karabakh, la reconversion de Sainte Sophie… Depuis les interjections médiatiques s’enchaînent et ce n’est que très récemment que les tensions entre la France et la Turquie commencent à s’apaiser. Pour autant la France ne compte pas perdre son allié égyptien, ce qui donne à l’Égypte du crédit pour un moment encore.