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Haut-Karabakh : qui est le vrai vainqueur de ce conflit qui dure depuis presque 30 ans ?

vainqueur Azerbaïdjan Arménie

D’un côté la colère, de l’autre les cris de joies après la signature d’un accord consacrant la victoire de l’Azerbaïdjan dans le conflit du Haut-Karabakh. Peut-on vraiment dire que l’Azerbaïdjan est le grand vainqueur dans cette guerre face à l’Arménie ?

Le Haut Karabakh : un territoire disputé

Le Haut-Karabakh est une région montagneuse située au sud-ouest de l’Azerbaïdjan et au sud-est de l’Arménie. Cette région est disputée par l’Azerbaïdjan et l’Arménie depuis près de 30 ans.

Occupation arménienne des territoires azerbaïdjanais

Dès 1988, l’Arménie prend possession de la région par la force et occupe en plus sept districts appartenant à l’Azerbaïdjan autour du Haut-Karabakh pour lier géographiquement cette région au pays. S’en est suivi un conflit gelé en cessez-le-feu qui chaque année était violé causant des morts des deux cotés.

Tentative de légalisation de l’occupation arménienne

Au niveau du droit international cette région appartenant à l’Azerbaïdjan, l’Arménie n’a pas pu la lier à sa mère patrie. Une stratégie de légalisation est alors activée en réalisant un référendum pou utiliser le principe du droit à l’autodétermination des peuples. Le référendum exprime une volonté d’indépendance : la république d’Artsakh est alors autoproclamée.

Problème : la région a été vidée de sa population, soit environ un million de turcs d’Azerbaïdjan ont été délogés. L’Azerbaïdjan n’a jamais reconnu l’occupation de ses terres. Faible militairement au début du conflit, il n’a d’autre choix que de faire appel à l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui créer un groupe de travail pour régler pacifiquement le conflit, nommé « groupe de Minsk» co-présidé par la France, les États-Unis et la Russie.

Résolutions de l’ONU condamnant l’occupation arménienne du Haut-Karabakh

L’ONU, a réalisé 4 résolutions demandant à l’Arménie de se retirer et rendre les territoires occupés à l’Azerbaïdjan.

L’Arménie ayant fait la sourde oreille, le groupe de Minsk n’a mené à rien. Durant les 30 années d’occupation l’Azerbaïdjan se concentre sur son économie à l’aide de sa rente pétrolière et gazière. Le pays s’enrichit, renforce son armée et ses relations internationales.

Deuxième guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

Le 12 juillet 2020, l’Arménie attaque la région de Tovuz située en territoire azerbaïdjanais. Cette zone est éloignée du Karabakh et n’a donc rien à voir avec le conflit. C’est précisément par cet endroit que passent les pipelines menant les ressources gazières et pétrolières de l’Azerbaïdjan vers la Géorgie pour ensuite passer par la Turquie et enfin alimenter l’Europe. L’Azerbaïdjan a pris cette attaque comme une volonté de lui couper les vivres.

Prenant conscience que les discussions au sein de l’ONU ne mènent à rien, le pays décide de reprendre ses territoires par la force. Le 27 septembre 2020 commence la deuxième guerre du Haut-Karabakh qui se termine le 10 novembre 2020 par un cessez-le-feu total signé par l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Russie. La Russie se porte garant et installe une force d’interposition entre les deux belligérants.

Une victoire militaire de l’Azerbaïdjan face à l’Arménie

A première vu, il s’agit d’une victoire militaire de l’Azerbaïdjan. Le pays a repris quatre districs sur sept (Füzuli, Jabrayil, Zengilan et Qubadli) et la zone autour de la ville de Choucha (Chouchi pour les Arméniens), capitale culturelle azérie. Cette dernière est un symbole énorme d’une part car c’est précisément dans cette ville que le premier ministre arménien Nikol Pachinian avait déclaré :

Le Karabakh, c’est l’Arménie !

Nikol Pachinian, premier ministre arménien

D’autre part, elle se situe à 10 km de la capitale de la république autoproclamée d’Artsakh non reconnue par la communauté internationale y compris par l’Arménie (Stepanakert pour les arméniens, Hankendi pour les azerbaïdjanais).

Bleu : zones reprises par l’armée azerbaïdjanaise
Rouge : territoires qui doivent être rendu par l’Arménie
Vert : zone n’ayant aucun statut pour le moment, sera reliée à l’Arménie par le corridor de Latchine

L’accord du 10 novembre 2020 marque la capitulation de l’Arménie qui s’est engagée à rendre les zones rouges sur la carte ci-dessus avant le 1er décembre 2020. Ainsi, l’Azerbaïdjan va récupérer des territoires sans même combattre.

La zone verte sera liée à l’Arménie mais sans statut officiel pour le moment. La zone bleu est celle récupérée militairement par les azéris.

Sur la carte vous voyez également que l’Azerbaïdjan est un pays divisé en deux : sa partie à gauche (le Nakhitchevan) et sa partie à droite composant la majorité de l’Azerbaïdjan. Avec l’accord signé, le pays obtient également un corridor qui liera ses deux parties par une voie terrestre passant par l’Arménie.

La Russie joue le rôle du gendarme au Haut-Karabakh

Le rôle clé de maintient de la paix a été donnée à la Russie qui s’est portée garante de la cessation des hostilités. Avec l’accord des deux parties, elle obtient le droit d’installer une force d’interposition dans le Haut-Karabakh et la surveillance des deux corridors (Arménie-Haut-Karabakh et Nakhitchevan-Azerbaïdjan). L’accord prévoit que cette force sera présente pour une durée de cinq ans renouvelable automatiquement sauf si l’Arménie ou l’Azerbaïjdan annule le renouvellement en respectant un préavis de six mois.

Dès l’entrée en vigueur de l’accord, la Russie a envoyé immédiatement ses troupes sur place et a installé des systèmes de défense derniers cris.

Véhicules équipées du complexe RB-341V « leer-3»

La main sur le corridor Nakhitchevan-Azerbaïdjan est aussi la seule voie terrestre qui liera directement l’Azerbaïdjan à la Turquie. Connaissant les rivalités turco-russes en Syrie, en Libye et même au Haut-Karabakh. Une telle carte aux mains de la Russie n’est pas négligeable. Sachant que les russes ont tendance à s’installer durablement, vont-ils vraiment partir un jour ? Vont-ils accepter de laisser un telle carte utilisable pour leur géopolitique ? Le temps nous le dira.

Un centre de maintien de la paix turco-russe sera installé sur les territoires contrôlés par l’Azerbaïdjan

L’accord signé ne prévoyait pas une force d’interposition turque au Haut-Karabakh. Le rôle ambigu de la Russie qui d’une part, a soutenu l’Arménie en envoyant des équipements militaires et armes lors du conflit et d’autre part tenu un discours neutre pendant la guerre n’a pas échappé aux yeux des azéris. C’est à la demande de l’Azerbaïdjan que la Turquie sera également présente pour le maintien de la paix dans la zone.

Qui a gagné quoi ? Qui est le vainqueur entre l’Arménie et L’Azerbaïdjan ?

L’Azerbaïdjan a gagné :

  • liaison avec le Nakhitchevan, son territoire historiquement coupé par l’Arménie
  • sept districts autours du Haut-Karabakh qui étaient occupés depuis la défaite de la première guerre (1988-1994)
  • ce qu’elle estime comme sa capitale culturelle : la ville de Choucha
  • un gain de confiance en sa puissance militaire

L’Arménie a gagné :

  • une liaison entre les arméniens qui vivent dans le Haut-Karabakh et l’Arménie avec le corridor de Latchine
  • une prise de conscience de ses réelles capacités militaires
  • une prise de conscience de l’Arménie de ses contradictions internes
  • la conservation de la ville de Stepanakert
  • la survie de la république autoproclamée d’Artsakh

La Russie a gagné :

  • une installation militaire dans le Haut-Karabakh empêchant ainsi les troupes de l’OTAN de venir s’y installer et ses pays voisins d’intégrer l’OTAN
  • une main mise totale sur l’Arménie qui a pris conscience de sa dépendance à la Russie
  • un moyen de pression contre la Turquie avec le contrôle du corridor reliant le Nakhitchevan à l’Azerbaïdjan

La Turquie a gagné :

  • une installation militaire dans le Caucase
  • une liaison directe par voie terrestre entre Ankara et Bakou
  • un prolongement par la mer Caspienne au monde turcophone : Turkmenistan, Kazakhstan Ouzbékistan, Kirghizistan
vainqueur Azerbaïdjan Arménie
Pays turcophones – Monde turcique

Auteur : Deniz Özdemir