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Turquie : 12 partis participent aux élections municipales

Dimanche 31 mars, plus de 57 millions de citoyens turcs vont se déplacer aux urnes pour élire leurs maires, les conseillers communautaires et municipaux ainsi que les représentants des quartiers. Pour certains, l’opposition est en phase de remporter ces élections alors que pour d’autres tout est joué d’avance en faveur du gouvernement.

Neuf mois après les élections présidentielles et législatives de juin 2018, 12 partis politiques tentent de convaincre les 57 millions 93 milles 985 électeurs (sur 82 millions d’habitants) qui vont cette fois-ci élire les maires, les conseillers communautaires et municipaux ainsi que le « muhtar », le maire d’un quartier ou d’un village, le plus proche du peuple.

D’après les chiffres annoncés par Conseil Supérieur Electoral (YSK), un peu plus d’un million soit 1.8% des électeurs vont voter pour la première fois. Il s’agit principalement des jeunes nés en 2001 mais aussi des personnes ayant obtenues la nationalité turque depuis les dernières élections.

Le système électoral turc ressemble à celui de la France mais avec des particularités. Ainsi, on distingue les métropoles (30), des villes dites normales (51). De plus, les candidats vont s’affronter dans 922 communes. Pour les représentants locaux, ce sera dans 32 105 quartiers et 18 306 villages.

Lors de cette élection, en fonction du lieu d’habitation, les électeurs doivent glisser plusieurs bulletins de couleurs différentes dans l’urne.

En Turquie, une métropole se compose de plusieurs communes. Ainsi, quand un citoyen habite à Istanbul, il habite forcément aussi dans une de ses 40 communes. La métropole n’est pas dissociée des communes et n’a pas de centre-ville contrairement à la France.

Ainsi dans la métropole, chaque parti doit désigner un candidat au poste du maire qui n’est pas une tête de liste. Tous les électeurs de la métropole peuvent voter au suffrage universel direct pour le maire de la métropole. En même temps, ces électeurs doivent aussi voter pour le maire de leurs communes qui n’est toujours pas une tête de liste. Dans ces communes, les conseillers municipaux sont élus avec un autre bulletin de vote. Parmi ces conseillers, certains deviennent des conseillers de la métropole. Avec ce système, les citoyens peuvent donc voter pour un maire dont son appartenance politique est différent de la majorité du conseil municipal.

Dans les villes dites normales, la ville est composée de communes centrales et des communes éloignées qui composent la communauté de commune. Seuls les électeurs des communes centrales peuvent voter pour le maire de la ville alors que tous électeurs doivent voter pour élire les Conseillers communautaires. En revanche, les maires de communes et les conseillers municipaux sont élus par les électeurs habitants dans la commune.

Enfin, les électeurs de chaque quartier et village doivent désigner le représentant local (muhtar) qui fait le lien entre les citoyens et les maires et délivre certains papiers administratifs. C’est aussi à la charge du « muhtar » de vérifier la situation économique des personnes qui font une demande d’aide sociale.

Bien que les élections municipales soient un enjeu d’abord local, aussi bien du côté du gouvernement que de l’opposition, les campagnes se concentrent autour des thèmes nationaux.

Ainsi, le parti au pouvoir, l’AK Parti (Parti de la Justice et du Développement) et son allié, le MHP (Parti d’Action Nationaliste) souhaitent continuer sur leurs ascensions après la victoire de juin 2018 qui a conduit à un changement de système politique avec notamment le renforcement des pouvoirs du président et la disparition du poste de premier ministre. L’Alliance du Peuple, qu’ils forment, arguent qu’une nouvelle victoire est nécessaire pour pérenniser ce changement.

De son côté, l’opposition regroupée au sein de l’Alliance Populaire, mène une campagne sur les questions économiques, qui ne rentre pourtant pas dans le cadre des actions des mairies. L’opposition espère ainsi récupérer les voix de personnes mécontentes de la montée de l’inflation et des prix.

De ce fait, elle promet de faire baisser le prix des biens alimentaires et d’aider les plus nécessiteux, en espérant capter les plus réfractaires.

Dans ces élections, les sondages sont loin de faire l’unanimité. A plusieurs reprises, le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé que les résultats de sondages dont ils avaient eu connaissance sont « trop contradictoires et ne sont pas fiables ».

En effet, de nombreuses études publiées par divers médias turcs annoncent tantôt la victoire des alliés du Peuple tantôt celle des Populaires.

Comme à chaque élection locale, la bataille se joue surtout dans les 3 grandes villes de Turquie. Ainsi, le président Recep Tayyip Erdogan, qui a été maire d’Istanbul (capital économique de la Turquie) de 1994 à 1998, déclare son amour pour cette ville qui lui a permis de devenir très populaire. Et pour montrer cet « amour », Erdogan a demandé à son plus fidèle ami et bras droit, Binali Yildirim de se lancer dans la bataille.

En effet, Binali Yildirim suit Erdogan depuis que celui-ci était devenu maire de cette ville. Il était directeur de la Compagnie des transports maritimes d’Istanbul (IDO). Avec la création puis la victoire de l’AKP, il est devenu ministre des transports, puis premier ministre. Avant de devenir, candidat à la municipalité d’Istanbul, il occupait le fauteuil de président de l’Assemblée Nationale.

En mettant un poids lourd face au candidat principal de l’opposition, Ekrem Imamoglu, l’Ak Parti ne veut prendre aucun risque. Car, perdre Istanbul peut entrainer des débats sur la légitimité d’Erdogan ainsi que le nouveau système en place. En Turquie, on dit que celui qui gagne Istanbul gagne le reste de la Turquie. Cette ville compte officiellement 15 millions d’âmes.

De son côté, le candidat de l’opposition, Ekrem Imamoglu, est le maire sortant du district Beylikduzu à Istanbul. Il n’est pas très connu du grand public mais estime qu’il a une chance de l’emporter notamment grâce au soutien des deux autres partis de l’opposition à savoir, le nationaliste Iyi Parti et le parti HDP. L’autre parti de gauche, le DSP, a par contre présenté son propre candidat et accuse le parti républicain de « jouer avec le feu en tentant de récupérer les voix des séparatistes ».

Pourtant, pratiquement tous les sondages donnent favoris Binali Yildirim. D’autres petits partis tentent difficilement de se faire une place parmi les deux challengers.

Par ailleurs, le scrutin s’annonce plus serré dans la capitale Ankara. Comme pour Istanbul, cette ville est dirigée par des partis liés au président Erdogan depuis 1994.

Le candidat de l’opposition, Mansur Yavas, était déjà en course face à Melih Gokcek et l’Ak parti en 2014 et avait perdu avec 1 point d’écart. Cette fois-ci, il va affronter l’ancien maire pendant 25 ans de Kayseri (centre de la Turquie) et ancien ministre de l’environnement et de la ville, Mehmet Ozhaseki.

Dans cette ville, les instituts de sondages se contredisent en s’accordant seulement sur le fait que cela va être serré comme en 2014.

Enfin, à Izmir, la 3ème grande ville, pas de surprise en vue. Même si l’AK Parti a envoyé un de ses lieutenants, l’ancien ministre de l’économie, Nihat Zeybekci, tous les sondages donnent une large victoire au candidat de parti du maire sortant,Tunç Soyer. En effet, Izmir reste historiquement attaché au parti républicain (CHP). Pour autant, dans les communes d’Izmir, l’AK Parti semble avoir progressé et serait sur le point de remporter 18 communes sur les 30, d’après un des derniers sondages publiés par les médias turcs.

Ailleurs, certaines grandes villes comme Kayseri, Konya, Gaziantep ou Sivas, sont acquises d’avance pour l’Ak Parti alors que l’opposition est sûre de sa victoire à Eskisehir, Canakkale, Edirne.

En revanche, l’issue est incertaine dans certaines villes comme Antalya, Bursa, Van ou encore Balikesir, où les partis mènent une bataille féroce.

Le HDP, quant à lui, espère continuer à diriger les villes de l’Est comme Diyarbakir, Agri ou encore Hakkari. Mais la polémique sur le lien de ce parti avec l’organisation terroriste PKK enfle sur les réseaux sociaux depuis des semaines. Cela n’a pas empêché ce parti d’annoncer qu’il allait soutenir les candidats de l’oppositions y compris les candidats du parti Islamiste Saadet (SP), pour « faire tomber l’AK Parti ».

En tout cas, si Erdogan confirme une fois de plus sa victoire, il n’y aura plus d’élections pendant au moins 4 ans tandis qu’une défaite à Istanbul et Ankara pourra relancer les ardeurs de l’opposition à se lancer dans une nouvelle bataille législative et présidentielle anticipées. Depuis le début de la campagne, le président Turc s’est impliqué personnellement et organise 2 à 3 meetings par jour pour tenter de convaincre les électeurs tandis que l’opposition n’a pas réussi cette fois-ci à organiser des grands meetings.
Fatih KARAKAYA
Source : AA