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La montée de l’islamophobie en Europe est normalisée par les « intellectuels »

La rhétorique anti-islamique est légitimée par une série d’intellectuels hautement articulés. L’ampleur du sentiment antimusulman en Europe a été largement sous-estimée.

Nous vivons à l’ère de la politique identitaire, elle se reflète souvent par le populisme, le repli sur soi et une envie de retrouver une certaine idée de leur racine, vrai ou idéalisé. Il y a une patine intellectuelle au narcissisme que presque toute notre société encourage.

Il y a toutefois une identité qui ne bénéficie pas actuellement de la même liberté d’expression en Europe et qui est musulmane.

Au Danemark, un pays souvent félicité pour sa progressivité, le parlement vient d’adopter une loi interdisant le port de la burqa ou du niqab, même si on estime qu’il n’y a que 150 femmes dans le pays qui le porte. En France, en Belgique et l’Autriche des interdictions similaires ont déjà été adopté.

En France, la dernière action antimusulmane a eu lieu après que Maryam Pougetoux, une dirigeante syndicale étudiante (UNEF), ait donné une interview télévisée en portant un hijab. Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a déclaré que c’était « choquant » et une « provocation », tandis que le magazine satirique Charlie Hebdo l’a mise en couverture, horriblement caricaturée en singe.

Le nouveau vice-Premier ministre italien, Matteo Salvini, n’a pas perdu de temps après avoir été nommé la semaine dernière. Il est allé directement en Sicile, une île avec une importante population musulmane arabe et son héritage, pour dire aux immigrants ;

« Le bon temps c’est fini, préparez-vous à faire vos valises »

Les politiques anti-immigrations et anti-islam sont deux questions distinctes, mais trop souvent elles sont des symptômes du même sentiment. Certains biens que conscients, mélangent les deux sujets. L’ancien chef de l’Union sociale chrétienne de Bavière, Horst Seehofer, a déclaré que «l’islam n’appartient pas à l’Allemagne» juste après avoir été nommé ministre de l’Intérieur de son pays en mars.

«Racines judéo-chrétiennes», pas seulement

Nier la longue présence de l’Islam en Europe est, bien sûr, une absurdité historique. On pourrait citer la grande civilisation musulmane en Espagne, établie au VIIIe siècle, qui est devenue un phare de tolérance et d’apprentissage lorsque la plus grande partie du continent était coincée dans l’ignorance, la misère et la barbarie de l’âge des ténèbres. L’autre racine musulmane d’Europe est celle du grand pourcentage des populations de nombreux pays des Balkans qui sont musulmans. L’islam est la raison principale pour laquelle le Kosovo, l’Albanie, Bosnie-Herzégovine et la Turquie ne feront jamais partie de l’Union Européenne.

Syndrome du colonisateur

L’Occident qui se dit laïc à une peur irrationnelle de l’Islam. Le musulman était très bien vu durant l’époque coloniale. Les colonisateurs occidentaux étaient persuadés de l’infériorité de la culture des peuplades colonisées. L’Occident, par une simple occupation militaire d’un territoire revendique plus ou moins ouvertement des intérêts ou des projets de nature économique, politique, idéologique ou religieuse. La colonisation était aussi l’instauration d’une différenciation entre le citoyen et le colonisé (différence de traitement, de droits ou de statut juridique octroyé au colonisé, en défaveur de ce dernier). Les immigrés qui viennent souvent d’anciennes colonies sont problématiques pour le colonisateur d’aujourd’hui qui voudraient les traiter comme jadis « comment des peuples inférieurs peuvent-ils vouloir être nos égaux ou nous imposé une religion ». Le colonisateur est habile et usera de tous les subterfuges pour parvenir à ses besoins, notamment en détournant le sens de la laïcité ou en manipulant avec agilité l’égalité homme-femme.

Amalgames avec l’islam

En France, jadis Jean-Marie Lepen avait sa phrase usait des amalgames, « 3 millions de chômeurs, 3 millions d’immigrés ».  Aujourd’hui deux amalgames;

  • La première est immigration=Islam, dans l’Europe des 28, sur 450 millions d’habitants, on compte environ 25 millions d’étrangers, dont un quart d’Européens communautaires.
  • La seconde est terrorisme=Islam, en effet, tant la recherche universitaire et le journalisme d’investigation que les statistiques officielles d’organismes comme le FBI et Europol démontrent que dans nos sociétés occidentales, seules une infime partie des attaques terroristes sont commises par des « islamistes », « djihadistes » ou autres des mêmes jus, quand bien même cette variété connaît une poussée certaine depuis quelques années dans une petite poignée de pays, trois ou quatre tout au plus. Il est à noter que les 38 pays occidentaux qui représentent, une population de presque un milliard d’habitants, le « djihadiste » a fait environ 450 victimes, Manchester inclus, et ce sur les quinze dernières années depuis le 11 septembre 2001.) Celui qui nie la vérité peut vérifier les statistiques annuelles et exhaustives, pays par pays, de la Global terrorism Database (START/GTB) basée à l’Université du Maryland, la référence de base sur ce sujet.

Les gouvernements doivent prendre les devants et être intrépides face aux islamophobes. Une Europe qui manque de tolérance serait un continent qui a perdu une pierre angulaire de sa prétention à la grandeur. La grande majorité des musulmans d’Europe sont européens. Pour eux, subir la haine et la discrimination de leurs concitoyens ferait écho à certains des chapitres les plus sombres de son histoire. « Plus jamais ça » devrait nous rappeler nos erreurs du passé.

 

Fatih Tüfekci