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Le clan des milliardaires accapare les aides à la presse en actant la fin du pluralisme dans les médias

aide à la presse 2019 2020

Chaque année, le ministère français de la Culture publie la liste des titres et des groupes de presse qui bénéficient d’une aide publique. Comme le révèle l’association Action Critique Médias (ACRIMED), « en 2019, la moitié de ces aides ont bénéficié à 6 groupes de presse détenus par une poignée de richissimes hommes d’affaires dont Bernard Arnault et son groupe LVMH en tête ».

Ainsi, d’après l’analyse de l’ACRIMED qui se bat contre la concentration des médias aux mains de quelques industriels, « en 2019, plus de la moitié (51%) des 76 millions d’euros attribués en aides à la presse ont bénéficié à 6 groupes, appartenant à 8 richissimes familles ou hommes d’affaires ».

Sans surprise, toujours en haut du podium, on retrouve l’homme le plus riche de France, Bernard Arnault, comme chaque année d’ailleurs, avec 16 millions d’euros versés à la holding UFIPAR (Le Parisien, Aujourd’hui en France, Les Échos) filiale de LVMH.

Ensuite, la famille Dassault, l’industriel dans l’armement, a obtenu 6,4 millions d’euros grâce au Groupe Figaro (Le Figaro, Le Figaro Magazine notamment).

De même, la société éditrice du Monde (Le Monde, Télérama, Courrier International, entre autres), détenue principalement par Xavier Niel, Matthieu Pigasse, Daniel Kretinsky et Madison Cox, reçoit 6,3 millions d’euros.

L’homme d’affaires franco-israélien, Patrick Drahi, propriétaire de SFR, BFM TV et RMC récolte 5,9 millions d’euros versés à SFR Presse (Libération, L’Express).

Accusé par ses détracteurs d’être le bulletin officiel de l’Elysée, le propriétaire du Journal du Dimanche (JDD) et Paris Match Arnaud Lagardère bénéficie également de 2,1 millions d’euros d’aides.

Enfin, Nicolas Beytout se voit octroyer 2 millions d’euros versés à Bey Medias Presse et Internet (L’Opinion).

Plus de la moitié des aides pour seulement 6 groupes

Ainsi ACRIMED constate que « les 39 millions d’euros attribués à ces 6 groupes en 2019 représentent plus de la moitié du total des aides à la presse versées ». Toujours selon l’association, « la presse quotidienne régionale dont Sipa-Ouest France (géré par la famille Hutin) et le Groupe Ebra (regroupant neuf quotidiens régionaux, dont Le Dauphiné libéré, Le Progrès, les Dernières Nouvelles d’Alsace et L’Est républicain), propriété du Crédit Mutuel bénéficient de 5,2 millions d’euros chacun.

ACRIMED avait déjà attiré l’attention en 2020 sur le danger de la concentration des médias aux mains de quelques milliardaires. (1)

En 2018, l’Agence Anadolu révélait également ce phénomène (2), mais visiblement cela ne risque pas de changer aussitôt. En effet, comme le remarque l’ARCIMED les mêmes 6 groupes « bénéficiaient déjà de près de 40 millions d’euros en 2018 et 36 millions d’euros en 2017 ».

Les milliardaires tuent le pluralisme

« Les subventions assurent la distribution sur tout le territoire d’une poignée de quotidiens détenus par quelques milliardaires. Elles renforcent ainsi leur emprise sur la presse française, au lieu de soutenir le pluralisme et la diversité » regrette encore l’ARCIMED.

De plus, elle se plaint de « leur caractère opaque et arbitraire, malgré la transparence de façade des chiffres publiés ».

D’ailleurs, le gouvernement avait annoncé en 2020 des aides publiques supplémentaires à hauteur de deux milliards d’euros, sans aucune condition, aux grands groupes de presse pour sortir de la crise du coronavirus.

« Une refonte du système d’aides à la presse, comme du système de distribution de la presse, est plus que jamais nécessaire », estime ARCIMED avec un vent d’optimisme.

Pourtant, la situation risque de se dégrader encore plus avec les perspectives à venir. En effet, après la concentration de la presse aux mains de quelques milliardaires, le secteur audiovisuel semble voué au même destin. D’après les médias français, le groupe TF1 (appartenant à la famille Bouygues) serait en discussion pour le rachat de son concurrent le groupe M6. Ces deux groupes éditent plusieurs chaînes de télévisions dans certaines sont disponibles sur la TNT en France.

De même, la radio Europe 1 serait convoitée par le propriétaire de Canal Plus, Vincent Bolloré. Si ces acquisitions venaient à se réaliser, cela signifierait la fin définitive du pluralisme dans les médias français et une ligne éditoriale quasi identique. Il ne restera plus que deux trois résistants qui ne pourront plus peser lourds dans les débats publics.

Fatih KARAKAYA