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Rahman Mustafayev, l’ambassadeur de l’Azerbaidjan dénonce la censure

ambassadeur azerbaidjan Rahman Mustafayev

L’Ambassadeur d’Azerbaïdjan à Paris, Rahman Mustafayev, a exprimé, dimanche, l’indignation des Azerbaïdjanais ainsi que leur désaveu du rôle international assumé par la France, et de sa position manquant d’impartialité, notamment à l’égard du conflit opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan depuis l’invasion de territoires azerbaïdjanais par l’Arménie il y a environ trois décennies.

« Si la France n’est pas en mesure de tenir son rang international, d’agir en médiatrice objective et de faire preuve d’une neutralité réelle, elle doit le reconnaître et s’interroger en toute sincérité sur sa coprésidence du Groupe de Minsk », a notamment déclaré Rahman Mustafayev.

Exprimant également la colère de son peuple face à la présence « de mercenaires français d’origine arménienne et non-arménienne », ainsi qu’à la présentation de ceux-ci comme des héros par les médias français, le diplomate azerbaïdjanais a également fustigé la campagne menée par certains parlementaires français, pour obtenir le soutien de l’État français à la résolution sur la reconnaissance de la soi-disant « république de Karabagh », Rahman Mustafayev dénonçant l’impartialité de la diplomatie française, ainsi que la « lâcheté empreinte d’hypocrisie » de politiciens et médias français, reflétant la « faiblesse de leur position ».

Le rôle de la presse française envers l’Azerbaidjan

  1. Monsieur l’Ambassadeur, actuellement dans la presse azerbaïdjanaise le rôle de la France dans le conflit est largement débattu. Quelle est votre évaluation de ce rôle ?

Vous savez probablement que dès les premiers jours du conflit, les déclarations de responsables français ont été pour le moins incorrectes, et les accusations d’implication de prétendus mercenaires étaient sans fondement. La société azerbaïdjanaise était, à dire vrai, sous le choc. L’image de la France dans notre opinion publique était incompatible avec ces accusations mensongères et infondées adressées à l’endroit de mon pays. Ce choc a dégénéré en ressentiment et indignation lorsque la presse française a évoqué, sans scrupule aucun, l’envoi dans la zone de combat de mercenaires français d’origine arménienne et non-arménienne, les présentant même comme des héros.

2. Et comment évaluez-vous le rôle de la presse française dans la couverture des événements ?

Malheureusement, depuis le 27 septembre une campagne totalement hystérique a été lancée dans la presse française contre l’Azerbaïdjan qui se trouve accusé de tous les péchés possibles. La presse française a rarement été objective à l’égard de mon pays, mais aujourd’hui elle est devenue, pour être franc, carrément hostile.

La France donne très régulièrement au monde entier des leçons sur la liberté d’expression. Pourtant en France même, il est presque impossible de transmettre le point de vue azerbaïdjanais aux citoyens français. Les médias bloquent en effet la publication de toute information objective et véridique sur le conflit. De grands organes de presse comme Le Monde et Le Figaro se refusent ainsi à publier des tribunes de réponse visant à faire entendre la voix azerbaïdjanaise. La suppression d’un reportage vidéo de la chaîne de télévision TF1 (première fois dans l’histoire de la chaîne), la suppression sur le site de Libération de son article « Face à l’Azerbaïdjan, l’extrême droite française défend l’Arménie » – sont des événements sans précédent. Ces faits montrent clairement à quel point l’azerbaïdjanophobie a gagné la presse française.

En fait, il s’agit non seulement d’une guerre de désinformation fort préjudiciable à l’Azerbaïdjan. Cette censure et intimidation systématique dans les media de la part de nos opposants sont la preuve de leur faiblesse. Ces derniers redoutent la publication de la vérité sur l’histoire du conflit, ses aspects juridiques et politiques.

3. Vous avez mentionné la participation de citoyens français au conflit, du côté arménien. Quelles mesures allez-vous prendre ?

Pour chaque fait, nous allons adresser des preuves à un Procureur général français. Ce travail a d’ailleurs déjà commencé. Que des citoyens français commettent ainsi des crimes de guerre dans nos territoires occupés est inadmissible et il est naïf de croire que cela n’aura pas de conséquences dans nos relations avec la France.

4. Au Parlement il y a une campagne pour le soutien de la résolution sur la reconnaissance de la soi-disant « république de Karabagh ». Quelle est votre position ?

Ceci montre une fois de plus que la rhétorique officielle de « neutralité française » ne correspond pas aux actions réelles de la diplomatie française.. Les députés de la coalition au pouvoir LREM et MODEM participent activement à la collecte des signatures en faveur de cette résolution, et sont en fait engagés dans des activités hostiles à l’Azerbaïdjan, qui sont contraires aux engagements internationaux et bilatéraux de la France.

D’ailleurs, cette attitude est également celle adoptée par la presse – une lâcheté empreinte d’hypocrisie. Les députés français évitent formellement toute rencontre avec la partie azerbaïdjanaise – qu’il s’agisse de diplomates ou de membres de notre Parlement. J’y vois la même réticence à entendre la vérité, et par là même la preuve de la faiblesse de leur position.

Par ailleurs, la question du communautarisme et du séparatisme est activement débattue en France. Que les intérêts d’une communauté arménienne soient placés au-dessus des intérêts d’une autre communauté – azerbaïdjanaise, n’est-il pas un communautarisme ? Que les intérêts de la communauté arménienne soient placés par les députés et maires de certaines collectivités locales au-dessus des obligations internationales de la France ne constitue-t-il pas un « séparatisme arménien » en France ? N’est-ce pas une rupture avec les « valeurs républicaines » ?

5. Quel rôle joue le groupe d’amitié France-Azerbaïdjan au Parlement ? Vous avez proposé récemment d’en remplacer le chef de groupe. 

Dans notre groupe d’amitié, nous comptons beaucoup de députés chevronnés sincèrement intéressés par le développement de la coopération avec l’Azerbaïdjan ; ils connaissent et respectent le pays et comprennent l’importance des relations franco-azerbaïdjanaises. Mais le problème est que notre groupe est dirigé par un député politiquement inexpérimenté et incompétent, sans autorité aucune, qui reste sourd aux initiatives et aux propositions de coopération.

Il est symptomatique qu’après plus de 40 jours de guerre dans le pays dont il est en « charge », il évite avec panique tout contact avec les députés azerbaïdjanais et l’Ambassade. Le Parlement français devrait, à mon humble avis, avoir honte de ce député. Quant à son remplacement, c’est une question hors de nos compétences. Il appartient à l’Assemblée de le décider, mais elle doit prendre en compte le fait qu’il n’y a plus de confiance entre l’Azerbaïdjan et le président actuel du groupe d’amitié. Plus précisément, on peut même parler d’une méfiance profonde.

6. Comment voyez-vous le rôle de la France dans le Groupe de Minsk?

Nous avons toujours souligné notre attachement au format du Groupe de Minsk de l’OSCE et souhaité de voir la France jouer un rôle important dans le processus de la paix. Mais le principe de la mission du médiateur prévoit, qu’on ne peut pas simultanément déclarer sa neutralité et soutenir l’une des parties du conflit.

C’est pourquoi aujourd’hui, en cette période peut-être la plus importante de l’histoire de mon pays, lorsque nos soldats et nos officiers libèrent les territoires occupés du terrorisme arménien, ce cancer qui se métastase dans le corps d’État azerbaïdjanais depuis 1991, nous refusons l’hypocrisie et la soi-disant « ambiguïté constructive ». Force est de constater que la France n’est pas impartiale dans ce conflit. Elle s’est engagée aux côtés de l’Arménie, la soutenant tant au niveau national français que sur la scène internationale, dans les organisations internationales et notamment les capitales européennes. En conséquence, si la France n’est pas en mesure de tenir son rang international, d’agir en médiatrice objective et de faire preuve d’une neutralité réelle, elle doit le reconnaître et s’interroger en toute sincérité sur sa coprésidence du Groupe de Minsk. Le niveau actuel de nos relations n’en sera pas affecté mais ces mêmes relations gagneront en honnêteté et vérité.

La guerre opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan

Les relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont conflictuelles depuis 1991, suite à l’invasion et à l’occupation par l’armée arménienne du Haut-Karabakh, un territoire internationalement reconnu comme étant azerbaïdjanais, ainsi que sept autres régions azerbaïdjanaises, constituant au total un quart de la superficie du pays.

Quatre résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et deux autres de l’Assemblée générale des Nations unies, condamnent l’occupation illégale des territoires azerbaïdjanais par les forces arméniennes, ces institutions internationales exigeant, depuis environ trois décennies, leur retrait immédiat et inconditionnel, dans le respect du droit international et de la souveraineté azerbaïdjanaise sur ces territoires.

Les affrontements intermittents entre les deux pays du Caucase ont repris le 27 septembre, lorsque les forces arméniennes ont bombardé des positions azerbaïdjanaises militaires mais également civiles, tuant au moins 91 personnes et blessant 405 autres, parmi la population civile azerbaïdjanaise.

Violation du cessez-le-feu par l’Arménie

Les récentes violations par les forces arméniennes d’occupation des cessez-le-feu établis entre les deux nations ont également coûté la vie à plusieurs dizaines de civils et soldats azerbaïdjanais.

Le conflit entre les deux ex-républiques soviétiques a tué plus de 25 000 personnes, et créé plus d’un millions de réfugiés, particulièrement des Azerbaïdjanais déplacés de force des régions occupées par les forces arméniennes ayant commis de nombreux crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, tels que celui commis dans la petite ville de Khojaly, le 26 février 1992, lorsque 613 civils azéris, dont 106 femmes et 83 enfants, ont été massacrés.