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Pourquoi les écoles privées musulmanes se multiplient?

L’enseignement privé musulman séduit de plus en plus de parents qui cherchent à offrir à leurs enfants une éducation d’excellence et une préservation de l’identité que l’école publique ne peut pas toujours garantir, selon Ibrahim Z. animateur du site internet religieux « Dômes et Minarets », approché par Anadolu.

Ce jeune internaute qui publie notamment de l’actualité sur les mosquées en France, compte désormais promouvoir l’enseignement privé musulman sur son site internet.

« Même si l’enseignement privé est surtout dominé par les Catholiques (8500 écoles) et les Juifs (300 écoles), les écoles liées à la communauté musulmane (moins d’une centaine) prennent de plus en plus d’ampleur ces dernières années », a-t-il dit.

Selon les chiffres du guide Fabert (une société qui édite l’annuaire des écoles privées), environ 12500 écoles privées sont recensées en France, soit un peu plus de 12 % des élèves français.

«Le premier établissement musulman a vu le jour en 2001, sous le nom de la Plume à Grenoble. Quant au seul lycée sous contrat avec l’Etat, il a ouvert ses portes en 2003 avec 15 élèves, à Lille. Aujourd’hui, il se classe parmi les meilleurs lycées de France avec plus de 800 élèves », renseigne-t-il.

Le département de Seine Saint Denis en Ile de France, concentre le plus d’écoles musulmanes avec 12 établissements suivi du Nord (9) et du Rhône (6).

Pour devenir une école en contrat avec l’Etat, explique l’animateur, il faut que l’école puisse s’autofinancer pendant cinq ans avec ses propres ressources avant de pouvoir réclamer de l’aide de l’Etat.

« Etre en contrat permet ensuite d’obtenir la prise en charge des salaires des enseignants, ce qui allègent considérablement les charges financières », renseigne l’animateur du site.

Un nombre d’écoles musulmanes encore faible

Bien que la présence musulmane en France date de plus d’un demi-siècle, le nombre d’écoles musulmanes reste encore relativement faible comparé aux autres communautés, commente à Anadolu Fateh Kimouche, administrateur du site « Alkanz », spécialisé dans les questions liées à la communauté musulmane.

«Les musulmans ont œuvré d’abord pour l’édification de mosquées à travers le territoire. Ensuite, après la loi de 2004 (sur l’interdiction des signes religieux à l’école, dont le voile), les écoles musulmanes sont devenues une préoccupation réelle pour la communauté », explique-t-il.

« Depuis la loi 2004 la demande explose », confirme Ibrahim Z.

« Il y a une volonté de préserver l’identité musulmane de l’enfant que beaucoup considèrent comme menacée dans l’école publique laïque depuis cette fameuse loi », dit-il.

« Mais pas seulement. Les parents veulent aussi offrir une éducation d’excellence à leurs enfants que l’école publique ne peut garantir, notamment dans les zones difficiles ZEP (Zones d’Éducation Prioritaire) où le taux d’échec est élevé», raconte-t-il.

Mais, ouvrir une école musulmane n’est pas aussi simple qu’en apparence.

«Le financement est ce qu’il y a de plus difficile », indique à Anadolu Murat Ercan, président du groupe scolaire, Yunus Emre, à Strasbourg, dans l’Est de la France.

«L’enseignement est une activité qui coûte très chère et la mise en place du système administratif est très difficile », souligne, Ercan, 48 ans qui gère un lycée et un collège.

Le groupe scolaire a été créé 2015, à la base, pour préparer les élèves à la faculté de théologie islamique qui comptait former des imams. En raison de problèmes administratifs, le projet a été suspendu. Toutefois, le groupe a pu mener à bien un projet de collège et de lycée.

Ainsi quand la première classe de seconde (1ère année de lycée) a été ouverte, la forte demande a surpris les dirigeants. Aussitôt, il a été décidé d’ouvrir une classe de 6éme (1ère année de collège) et d’assurer la continuité chaque année avec les classes suivantes.

« Sur 100 demandes par classe, nous n’arrivons qu’à accepter un quart d’élèves », confie le président.

Pour la deuxième année, 72 élèves au total ont pu assister au cours dans les classes de 6éme, seconde et première.

A la rentrée, en septembre 2017, le groupe scolaire compte accueillir, 110 élèves avec toutes les classes de lycée (Générale et Technologique, Scientifique, Economie et Sociale et Sciences et Technologies du Management et du Sociales) et deux classes de collège.

« Le groupe ne compte pas s’arrêter là », poursuit le président qui espère « pouvoir passer sous contrat avec l’Etat, ouvrir les classes de maternelles et de primaires et reprendre le projet de faculté », a-t-il encore lancé. « Et pourquoi pas un BTS (Brevet de technicien Supérieur) » espère-t-il.

Des écoles qui suscitent la polémique

Les écoles musulmanes ont suscité des réactions hostiles de la part des partisans de la laïcité stricte.

En septembre 2016, la ministre de l’Education Najat Vallaud Belkacem devait prendre position sur les écoles qui n’ont pas de contrat avec l’Etat. Le quotidien « Libération » écrivait alors à l’époque que la ministre faisait référence aux peurs attisées par la droite face au développement d’établissements musulmans.

«Des écoles salafistes sous l’influence des Frères musulmans », pointait Annie Genevard, députée du Doubs et déléguée à l’éducation au sein des Républicains (LR).

Pourtant, la ministre avait rendu public un rapport dans lequel était noté que « lors de contrôles inopinés menés dans vingt structures (de toutes confessions) ayant fait l’objet de signalements, les inspecteurs n’ont trouvé aucun élément attestant d’une volonté d’enseigner des valeurs contraires à celles de la République ou promouvant une vision radicalisée de la religion ».

En janvier dernier, l’hebdomadaire français «Nouvel Observateur » publiait un article intitulé « les écoles musulmanes sont-elles malvenues ? » dans lequel il indiquait que « faute d’un contrôle efficace, les établissements musulmans hors contrat sont exposés à l’arbitraire des municipalités, indépendamment de la qualité de leur enseignement».

« Un arbitraire qui nourrit toujours plus le sentiment de stigmatisation. Bien plus que la qualité du projet pédagogique, ce sont aujourd’hui les a priori favorables ou défavorables des maires qui le plus souvent décident du sort de tel ou tel projet d’école » peut-on lire.

Bien qu’il y ait 12500 écoles privées sur l’ensemble du territoire français, « il est clair que comme pour la question du Halal ou du voile, une fois de plus, ce sont toujours les musulmans qui sont pointés du doigt », relève Ibrahim Z.

« Et le droit systématique de devenir un établissement sous contrat au bout de 5 ans est de plus en plus mis à mal. En effet, très souvent des écoles musulmanes sont exclues du système pour différents motifs », poursuit-il.

A force de vouloir interdire tout ce qui touche de près ou de loin à la confession musulmane, le vivre-ensemble prend un sacré coup, note l’animateur.

« Considéré les Musulmans de France comme des immigrés qui doivent s’adapter au pays d’accueil n’est plus une méthode qui fonctionne. Les Musulmans souhaitent être considérés comme des citoyens français à part entière et comme tous les parents, ils veulent la meilleure éducation possible pour leurs enfants afin de leur garantir un emploi »? conclut-il.