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Droit de réponse : Sujet d’examen qui stigmatise les musulmans

Suite à notre article sur le sujet d’examen pour devenir enseignant qui stigmatise les musulmans, l’université a tenu à utiliser son droit de réponse. Nous publions en intégralité leur réponse.

Droit de réponse

Le 18 mai dernier, Medyaturk a publié la réaction d’un enseignant stagiaire en formation à Dijon, dans le cadre du master « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF), se plaignant du caractère qu’il juge islamophobe du sujet d’examen évaluant la compétence « Agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques ». En tant que coordonnateur de cet enseignement, je me permets de porter à la connaissance de vos lecteurs quelques précisions afin de réfuter cette accusation infondée.

En premier lieu, cette étude de cas était appuyée sur une situation réelle : une adolescente scolarisée en collège, Leïla, en pleine interrogation identitaire, comme le sont souvent les adolescents, en mal de repères éducatifs, privilégiant la violence comme mode d’affirmation de soi, et issue d’une famille où l’autorité parentale semble défaillante.

En second lieu, le sujet donnait des indications permettant de penser que l’inconnu auquel se lie cette adolescente sur un réseau social, Reda, pourrait l’entraîner dans une dérive islamiste.

L’attendu pédagogique de ce sujet était dès lors évident : non seulement les enseignants transmettent un savoir, mais aussi ils exercent une responsabilité éducative vis-à-vis de leurs élèves, notamment lorsque ceux-ci semblent en perte de repères éducatifs et sont dès lors des proies faciles pour ceux qui veulent les manipuler.

Cela étant précisé, en quoi est-ce être islamophobe que de s’inquiéter de la possible dérive islamiste d’une élève ? Ou alors, par peur d’être taxé d’islamophobie, il faudrait dans ce cas ne rien faire ? Les « imams internet », dont nombre sont davantage préoccupés par leur nombre de vues et de « like » que par une étude patiente du corpus théologique islamique n’existent-ils pas ? Je pourrais multiplier à l’envi ces questions dont l’objectif est, on l’aura compris, de mettre en évidence que cet enseignant stagiaire est davantage soucieux de polémique que de réflexion nuancée. Il est en effet beaucoup plus facile de lancer une accusation d’islamophobie, qui, même lorsqu’elle est infondée, rencontrera toujours un public, que d’étudier patiemment une situation afin de voir les remèdes éducatifs qu’on peut lui apporter.

En troisième lieu, cet enseignant stagiaire déclare que « la laïcité selon le ministère de l’éducation nationale c’est juste un ensemble de règles anti-islam surtout les études de cas comme celle-ci avec la petite Leïla violente qui parle arabe et qui va se radicaliser avec Reda »1.

Pour répondre à cette pitoyable accusation, qu’il me soit permis de citer ce lumineux apophtegme de Ghaleb Bencheikh : « la laïcité, c’est lorsque la foi ne fait pas la loi ». On comprend alors que la laïcité c’est lorsque la loi exprime au mieux l’intérêt général même si cela froisse la foi de certains. Hier, l’établissement légal du divorce choquait ceux qui, par foi, auraient voulu que l’indissolubilité du mariage restât la règle pour tous. Or, l’établissement légal du divorce n’empêche nullement qui le souhaite d’adhérer par foi à l’indissolubilité du mariage. Il y a peu, l’établissement légal de l’IVG choquait ceux qui, par foi, voulaient que le respect inconditionnel de la vie  restât la règle pour tous. 

Or, l’établissement légal de l’IVG n’empêche nullement qui le souhaite d’adhérer par foi au respect inconditionnel de la vie. L’établissement légal du divorce répondait à un intérêt général et de bon sens : mieux vaut que des conjoints se séparent plutôt que de prolonger à tout prix une union malheureuse. Il est en de même de l’établissement légal de l’IVG dont le but, d’intérêt général, est de lutter contre le drame des avortements clandestins.

Au plan des règles de la laïcité applicables aux écoles collèges et lycées publics, on rappellera seulement à cet enseignant stagiaire que la loi du 15 mars 2004 s’applique en général au « port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ».

Il s’agit principalement d’une disposition d’ordre public qui rappelle les circulaires Jean Zay du 31 décembre 1936 et du 15 mai 1937 pour maintenir les établissements publics d’enseignement à l’abri des propagandes politiques et confessionnelles. Y voir une règle « anti-islam » c’est un procès d’intention. Il est donc bien malheureux que cet enseignant stagiaire confonde la laïcité avec les instrumentalisations qui la travestissent, comme il est bien dommageable qu’il nous accuse de la travestir.


Frédéric Orobon, enseignant de philosophie, Inspé de Bourgogne

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