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Le fossé entre les préoccupations des Français et celles du gouvernement se creuse

pauvreté et préoccupation des français

Depuis la nomination de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur en 2002, les thèmes de la sécurité, de l’identité et de l’immigration reviennent régulièrement alimenter les débats publics en France.

Accentués notamment par l’élection de Sarkozy en tant que Président de la République, ces sujets n’ont pas perdu de leur intensité, même avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 2012 avec François Hollande.

De même, en adoptant à nouveau des lois sur la sécurité avec la « loi sur la sécurité globale », et la loi « confortant ls principes républicains », le président actuel, Emmanuel Macron, marche sur les pas de ses prédécesseurs en faisant monter d’un cran l’intensité de ces débat.

Ainsi, selon les pouvoirs publics et les partis politiques, appuyés par les médias, les préoccupations des Français seraient essentiellement liées à la sécurité.

De ce fait, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture, le mercredi 3 juin, la nouvelle loi antiterroriste. Selon le site gouvernemental « La Vie Publique », depuis 1986 la France a adopté 35 nouvelles lois antiterroristes dont 14 après les attentats de 2015 à Paris.

Préoccupations économiques

En effet selon un sondage publié le 12 mai par l’Institut français d’opinion publique (Ifop), les préoccupations des Français sont largement différentes des « sujets » diffusés par les médias et mis en avant par les politiques.

Contrairement à ce qu’on pourrait entendre, le directeur général de l’Ifop, Frédéric Dabi, affirme ainsi au journal L’Humanité, « son étonnement face au décalage entre les sujets dominants de ce début de campagne et les préoccupations exprimées dans cette enquête ».

Ainsi, selon le politologue, « les services publics et le pouvoir d’achat sont deux thèmes qui sont présents à bas bruit dans le débat médiatique mais qui pourraient devenir très importants ».

Ainsi, par exemple, 93% des Français sont favorables « à un plan de réinvestissement dans les services publics, en particulier de la santé ».

Toujours selon ce sondage, sur « des thématiques économiques et sociales », les citoyens souhaitent à 92% « une baisse de la TVA sur les produits de la vie courante ».

En revanche, les Français sont moins nombreux avec 81% à soutenir « l’augmentation du SMIC de 200 euros ». Par ailleurs, l’impôt de solidarité sur la fortune ne fait pas non plus l’unanimité puisque seuls 78% veulent le voir rétabli.

La France franchira la barre des dix millions de pauvres en 2020», selon le  Secours catholique - Le Parisien

Préoccupations sécuritaires

Mais étonnamment, le même institut de sondage avait réalisé, au mois d’avril, une étude pour « Le Journal de Dimanche » qui mettait en avant le thème de la sécurité.

Ainsi, le journal -accusé d’être le bulletin officiel de l’Elysée par ses détracteurs- explique « qu’aux yeux des Français, la santé et la sécurité constituent les thèmes prioritaires pour les mois à venir » et le titre de l’article met d’ailleurs en avant ce thème. Pourtant dans l’article, on y apprend que « les Français font des questions sanitaires une priorité avec 85% ». D’après le journal, ce taux a même augmenté de 3% par rapport à août 2020. Avec une augmentation de 4 points, toujours par rapport à août 2020, 72% se disent « perturbés par l’éducation de leurs enfants et notamment la fermeture d’écoles ». On voit ainsi dans ce sondage, une fois de plus, les préoccupations par rapport aux services publics.

D’après le même sondage, le chômage (68%) et la crise économique (62%) s’en suivraient.

Mais, le journal préfère mettre en avant « les préoccupations sécuritaires qui ont bondi de 26 de points depuis mai 2020 ». En donnant l’exemple d’un chauffeur de bus agressé et du meurtre abominable du professeur Samuel Paty, le journal tente d’accréditer sa thèse.

Le journal annonce, à ce propos, que « la sécurité et la lutte contre le terrorisme ainsi que le combat contre la délinquance sont jugés « tout à fait prioritaires » pour 72% des Français ». Le même journal explique, ensuite, que « 86% des Français assurent que la sécurité sera « importante ». 44% d’entre eux la jugent « tout à fait importante dans leur choix du vote ».

Toujours selon Le Journal de Dimanche, même si les électeurs de droite (Les Républicains et le Ressemblent National) fusionnent à ce niveau, « les électeurs de gauche et du parti Présidentiel voteraient aussi en fonction des propositions sur les enjeux sécuritaires ».

La différence entre les deux sondages

Ainsi chaque média tente de prouver, chiffres à l’appui, que la préoccupation des Français est « comme ils l’affirment eux-mêmes ».

Pour comprendre la contradiction entre les deux sondages, il faudra s’intéresser à la manière de poser la question. Ainsi, il n’est pas tout à fait pareil de dire « quelles sont vos préoccupations actuelles ? et « la sécurité est-elle importante pour vous ?».

Dans le premier cas, le citoyen électeur aura le choix de classer ses préoccupations alors que dans le second cas, il s’agit simplement d’affirmer ou pas « l’importance de la sécurité ». De même, si par exemple, la question avait été « l’économie est-elle importante pour vous lors des élections ? », il est indéniable que les réponses seront majoritairement positives. Mais cela ne voudrait pas dire que la personne qui a répondu par l’affirmative se préoccupe essentiellement de l’économie.

En jouant sur les chiffres et en attribuant la définition qu’on veut, on peut faire dire tout ce qu’on veut aux sondages. Mais, force est de constater que malgré des dizaines de lois toujours plus répressives, la sécurité ne s’améliore pas. Pire encore, le pouvoir d’achat des Français se dégrade de plus en plus et la précarité s’installe durablement.

Fatih KARAKAYA