MEDYATURK | Publié le . Mis à jour le

La volonté du retour au bled, un rêve de plus en plus réalisé!

Ces dernières années la Turquie connait un mouvement migratoire des Turcs d’Europe. Ces enfants et petits enfants d’immigrés, bien que nés en Europe, aspirent à un retour aux sources en quittant les contrées européennes tant rêvées, et qui continuent à l’être, encore aujourd’hui, par de nombreux citoyens turcs.

Derrière ce mouvement migratoire « inverse » se cachent des facteurs socio-culturels, économiques et politiques.

C’est forte de ses connaissances, de sa double culture et de sa volonté d’intégrer des secteurs jusque-là réservés à une certaine élite française, que la jeune génération franco-turque se trouve heurtée à une forme de racisme et d’islamophobie, pourtant méconnue ou touchant relativement peu la communauté.

C’est un mur d’inégalités et de discriminations qui s’est érigé devant une génération aux aspirations professionnelles, politiques et sociales supérieures à celles de leurs parents.

De plus, cantonnés à des métiers de bouche ou du bâtiment, une minorité de jeunes franco-turcs ont eu du mal à faire valoir leur opposition aussi face au repli communautaire de l’ancienne génération qui a eu peur d’une perte de la tradition dans l’accomplissement d’études supérieures de leurs enfants.

-Turquie : Le nouvel Eldorado

Le contexte économique en France, la précarité, le manque d’offres d’emplois expliquent en partie cet intérêt qu’ont les enfants d’immigrés pour la Turquie. Force est de constater qu’il est plus aisé pour des jeunes diplômés de trouver des postes professionnels dans la nouvelle puissance économique que devient la Turquie.

Les salaires moins élevés par rapport aux rémunérations en France, et le système de protection sociale moins développé, n’entravent en rien l’attractivité pour l’expérience professionnelle en Turquie.

« Je suis issu d’une famille originaire de Turquie et étant né en France où j’ai passé toute mon enfance ainsi que mon adolescence, j’ai décidé à l’âge de 23 ans de vivre sur les terres de mes ancêtres, c’est à dire la Turquie » témoigne à Anadolu, Mikayil G., 24 ans installé à Istanbul depuis une année.

Sur les raisons qui l’ont poussé à faire ce choix, il évoque un taux de chômage qui grimpait de jour en jour et une hausse de la précarité des emplois en France.

« Après mon départ pour Istanbul je n’ai pas eu de grandes difficultés à trouver un emploi, d’ailleurs j’ai réussi à travailler dans plusieurs domaines ralliés à la France, comme les bureaux Business France (société rattachée à l’ambassade de France) ainsi qu’une vacation au Consulat de France basé à Istanbul (au service des visas), et dernièrement pour une société privée française ayant délocalisé son pôle administratif et logistiques », explique-t-il.

-Fuir l’islamophobie:

Outre les motivations professionnelles, des motivations sociales et culturelles poussent nombre de jeunes turcs à fuir la France, notamment, une vague d’islamophobie qui se fait de plus en plus sentir, déplorent-ils.

Pour les femmes en particulier, c’est le climat islamophobe qui les pousse à quitter la France dans la perspective de trouver un emploi malgré le port du voile et ce, bien qu’un net recul des actes islamophobes ait été enregistré par l’organisation du CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France) en 2016 : -35,9% par rapport à 2015.

Pour Esme venir en Turquie était devenu une nécessité pour pouvoir gagner sa vie tout en gardant son voile. « J’ai étudié en France, mais pour espérer un poste à la hauteur de mes compétences, même au dessous de mes capacités, je me heurtais à chaque fois à un mur. Je n’ai eu que des réponses négatives suite aux entretiens avec les recruteurs.

« Le problème est toujours le même, c’est mon voile ! J’ai beau leur expliquer que l’important n’est pas ce qu’il y a sur ma tête mais à l’intérieur, pour autant soit je décide de venir travailler sans soit je passe mon chemin. Je refuse de faire body_abstraction d’une partie de moi-même pour renter dans un code vestimentaire qui nous est imposé qu’à nous les musulmanes », déclare-t-elle à Anadolu.

Elle ajoute que pour elle le choix de la Turquie s’est fait tout naturellement étant donné qu’elle parle la langue turque, et qu’en « règle générale le port du foulard est bien mieux perçu par les entreprises ».

-Une installation dans la durée

Au-delà des raisons politiques, économiques ou sociales qui font que les franco-turcs sont de plus en plus nombreux à décider de tenter l’aventure en Turquie, il est à noter que malgré une actualité chargée, entre la tentative de putsch et les divers attentats dont a été victime le pays, les demandes de renseignements pour une expatriation sont en constante évolution.

Bien que la Turquie et son président, Recep Tayyip Erdogan soient continuellement présentés de manière péjorative dans les médias européens, et même si plusieurs départs suite à la tentative de coup d’Etat ont pu être enregistrés, le pays continue de voir (re)venir ses concitoyens d’Europe pour une expatriation qui s’inscrit dans la durée.

La vague d’immigration turque en France débute en 1965 suite à la signature entre les deux pays d’un accord bilatéral afin d’organiser l’arrivée d’une immigration de main d’œuvre en provenance des milieux ruraux de l’Anatolie. Cette dernière constitue la dernière vague de migration des trente glorieuses.

Ces Immigrés étaient des travailleurs dont l’objectif à terme était de retourner en Turquie afin d’y vivre plus confortablement grâce aux salaires acquis en France.

La communauté turque, bien que discrète, a su s’implanter de manière durable dans le paysage économique et social français. Réputés pour être travailleurs, les Turcs ont au fil des années créé des sociétés et émergé dans des domaines tels que la restauration ou le bâtiment, mais la nouvelle génération s’est diversifiée en intégrant d’autres secteurs professionnels.

Cette immigration s’inscrit dans le respect de sa culture et de sa religion puisqu’une majorité des Turcs de France sont de confession musulmane. La communauté se divise d’ailleurs en de nombreuses organisations cultuelles et culturelles implantées en Europe, tel que le Milli Görus ou encore DITIB (Union des Affaires Culturelles Turco-Islamiques).

Des associations qui permettent un ancrage durable de la communauté tout en garantissant des valeurs conservatrices et traditionnelles et ainsi maintenir l’attachement au pays d’origine de ces immigrés mais en particulier de leurs descendants nés sur le territoire français.

Véritables ambassades de la culture turque, ces congrégations ont su maintenir les liens au travers d’activités pluridisciplinaires avec cette génération qui ne connaît la Turquie que de par leurs aînés et des visites occasionnelles.

L’ONG COJEP INTERNATIONAL (Conseil pour la Justice, l’Egalité et la Paix) est un exemple parmi tant d’autres de structures qui œuvrent dans l’intégration, l’aide et la participation de la communauté turque de France.

Au travers de missions dans des domaines tels que les Droits de l’Homme, la jeunesse, la démocratie, la lutte contre le racisme, les discriminations et la citoyenneté, l’association a su influencer et pousser les franco-turcs à développer leurs champs d’action que ce soit professionnel ou dans l’accomplissement d’études supérieures.

AA / Cécile Durmaz