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L’Europe veut s’imposer en Turquie

A la veille du référendum en Turquie, de plus en plus de médias européens espèrent influencer le choix des électeurs turcs. Ainsi, chaque matin, on découvre un nouvel article à charge contre Erdogan et ses électeurs qui ne seraient « guidés que par leur idéologie aveugle ».

Comme tous les citoyens du monde, les turcs pensent à leur avenir et ont les mêmes préoccupations que les français : L’emploi, l’éducation, le terrorisme  C’est avec ces considérations à l’esprit  que les turcs iront voter. Beaucoup ont émigré vers l’Europe à une époque ou la Turquie ne connaissait pas l’économie florissante de ces douze dernières années. Ces dernières années, le mouvement migratoire s’est inversé et beaucoup de turcs partent en Turquie.

Recep Tayyip Erdogan a insufflé de l’espoir et de l’ambition au peuple turc. Ses promesses ont été tenues.. D’abord en tant que maire d’Istanbul dès 1994 , puis comme Premier Ministre en 2003 et enfin comme Président en 2014.

D’abord, la Turquie a intégré le G20, s’est libéré de sa dette au FMI, Aujourd’hui, la Turquie poursuit ses réformes et ses projets ambitieux fixés sur une feuille de route à 2023 par Recep Tayyip Erdogan.

Qualifiée autrefois de « l’homme malade d’Europe », la Turquie est aujourd’hui devenue un pays incontournable et son destin influencera bien d’autres pays.

Elle connaît un boom économique depuis plusieurs années, alors que l’Europe  décline tant sur le plan économique que politique, avec des systèmes de gouvernances de plus en plus fragiles.

La Belgique détient le record du monde de la plus longue crise politique avec 541 jours sans gouvernement. L’Italie et l’Espagne ont eu les plus grandes difficultés à réaliser des alliances entre partis politiques, faute de majorité. Même l’Irlande a du se passer d’un gouvernement pendant plusieurs mois.

L’extrême droite et les partis populistes progressent partout sur le Vieux continent: Pologne, Croatie ou encore la montée de certains partis en Autriche ou aux Pays-Bas.

L’Allemagne quant à elle, renoue avec son passé sombre et voit émerger des partis islamophobes qui ont remplacé l’antisémitisme par l’islamophobie.

Un climat démocratique délétère et inquiétant semble s’être emparé de l’Europe. Pourtant, la déliquescence politique de ces pays ne les empêche pas de se focaliser sur la politique intérieure d’autres Etats à l’instar de la Turquie, en s’ingérant de manière intempestive dans ses affaires intérieures.

L’Europe semble vouloir imposer son système de gouvernance et sa vision au peuple turc en utilisant des systèmes de pression et des méthodes coloniales. L’Europe ouvre la porte aux partis d’opposition défenseurs du «Non» au referendum du 16 avril ainsi qu’aux soutiens des terroristes du PKK mais expulse ou refuse l’accès à leurs concitoyens aux représentants de l’Etat turc pour expliquer l’objet de la réforme.

Les médias européens n’hésitent pas à titrer en Turc pour appeler à voter « Non», tel qu’un célèbre journal suisse l’a fait récemment. Pourtant, ce sont ces mêmes médias qui sont les premiers à dénoncer un prétendu communautarisme quand la communauté turque s’exprime dans sa langue natale.

Par ailleurs, dans les medias français, on souhaite volontairement choquer le public avec des titres plus inappropriés les uns que les autres tels que « Erdogan se rêve en super président » du Figaro ou encore « Erdogan, le Maître du Jeu » pour Libération.

L’utilisation systématique des termes tels que « Califat, Sultan, autoritaire, dictature » cache en réalité, la crainte de voir une Turquie forte, puissante et seul maître de son destin. On occulte volontairement la légitimité du président avec 52% obtenus dès le premier tour de l’élection présidentielle d’août 2014.

Plusieurs « démocraties » européennes  estiment légitimes leurs dirigeants élus avec moins de 25% des voix. Recep Tayyip Erdogan réunit 52% dès le premier tour et possède de facto une véritable légitimité.

La Culture sous pression

C’est dans ce climat délétère que le vote de la diaspora turque pour le référendum s’est clôturé dans les pays européens (dimanche 9 avril). Pourtant, les pressions n’ont jamais été aussi fortes tant dans le domaine de la politique que celui de la culture.

L’association «Conseil pour la Justice, l’Égalité et la Paix» (COJEP France) qui organise le festival du cinéma turc dans toute la France depuis 2009 en a fait les frais.

« L’objectif de ce festival est de promouvoir le vivre-ensemble, de lutter contre les préjugés, de promouvoir le cinéma turc très méconnu en France et en Europe. De plus, nous voulions  donner la possibilité aux citoyens franco-turcs de visionner des films turcs en France, en tête du box-office en Turquie,  dès leur sortie « , nous explique Kadir Guzle, président de cette association.

En effet, depuis 2009, l’association a signé des partenariats avec une quarantaine de salles de cinémas en France et cinq en Belgique afin de projeter des films récents que le public n’a pas l’occasion de visionner.

Tous les films sont sous-titrés en français afin de permettre aux cinéphiles non-turcophones  de découvrir le cinéma turc comme le film Winter Sleep qui a été récompensé.

Pourtant, « pour la première fois depuis 8 ans, le nombre de cinémas acceptant la projection de films turcs a considérablement chuté », nous fait savoir Kadir Guzle. Plusieurs salles de cinémas ont annulé le partenariat avec COJEP sous prétexte « que notre organisation serait trop proche du gouvernement turc ».

C’est ainsi que seule une dizaine de cinémas ont programmé la projection du film « Reis » qui est un biopic de la vie du président turc Recep Tayyip Erdogan.

« Les autres salles nous ont fait savoir qu’ils ne voulaient pas faire de la propagande pour un dictateur » explique-t-il.

Ces cinémas auraient évoqué des raisons de sécurité mais selon l’avis de Kadir Guzle, les maires auraient fait pression sur ces salles qu’ils subventionnent afin de faire annuler les projections.

Par ailleurs, plusieurs groupes en France liés aux groupes terroristes du PKK ont appelé à se rassembler devant ces cinémas afin de protester. Aucune interdiction ou des mesures de sécurité n’ont été évoquées ou prises, le PKK étant listé comme organisation terroriste par la France.
Le 1er avril dernier, l’antenne locale du COJEP à Bordeaux avait prévu d’accueillir les acteurs du film. Malgré la vente de tous les billets et la confirmation de la présence des acteurs, le cinéma « Megarama » a du « céder aux pressions extérieures même si la direction a tout fait pour garder la séance », nous raconte Tuba Demir Turkoglu, président du COJEP Bordeaux.

A la suite de cette annulation, une centaine de cinéphiles a protesté devant le cinéma.

Comment expliquer ce changement de situation?

Depuis 2014, les citoyens d’origine turque peuvent désormais voter pour les élections présidentielles et législatives turques dans leur  pays de leur résidence. Tous les partis politiques ont des antennes locales en Europe et mènent campagne.

Lors des élections du 2014 et de 2015 aucune annulation n’avait été enregistrée. Or, ces derniers mois, la crise entre la Turquie et les pays européens, notamment le dossier de l’immigration et la gestion de l’après-tentative du coup d’Etat ont rendu la situation difficile.

La Turquie, qui ne fait pas encore partie de l’Union Européenne n‘accepte pas l’ingérence de pays étrangers dans ses affaires internes. Or, il semblerait que l’Union Européenne souhaite imposer  sa gouvernance  à la Turquie. Dans un tel climat, la culture est victime de chantages politiques.

FKA